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1680 quand Mlle de Méri veut[1]. Elle me témoigna l’autre jour qu’elle savoit en gros les malheurs de mon fils, et qu’elle eût bien voulu en savoir davantage : je me tins obligée de cette curiosité, et je lui contai tout le détail de nos misères ; ainsi de plusieurs autres choses : voilà ce qui s’appelle vivre avec les vivants. Mais quand on ne peut jamais rien dire qui ne soit repoussé durement ; quand on croit avoir pris les tours les plus gracieux, et que toujours ce n’est pas cela, c’est tout le contraire ; qu’on trouve toutes les portes fermées sur tous les chapitres qu’on pourroit traiter ; que les choses les plus répandues se tournent en mystère ; qu’une chose avérée est une médisance et une injustice ; que la défiance, l’aigreur, l’aversion sont visibles et sont mêlées dans toutes les paroles : en vérité, cela serre le cœur, et franchement cela déplaît un peu ; on n’est point accoutumé à ces chemins raboteux, et quand ce ne seroit que pour vous avoir enfantée, on devroit espérer un traitement plus doux. Cependant, ma fille, j’ai souvent éprouvé ces manières si peu honnêtes ; ce qui fait que je vous en parle, c’est que cela est changé, et que j’en sens la douceur ; si ce retour pouvoit durer, je vous jure que j’en aurois une joie sensible, mais je vous dis sensible ; il faut me croire quand je parle, je ne parle pas toujours. Ce n’a point été un raccommodement, c’est un radoucissement de sang, entretenu par des conversations douces et assez sincères, et point comme si on revenoit toujours d’Allemagne. Enfin je suis contente, et je vous assure qu’il faut peu pour me contenter. La privation des rudesses me tiendroit lieu d’amitié en un besoin : jugez ce que je sentirai si vous pouvez faire que l’honnêteté, la douceur, une superficie de confiance, la causerie, et tout ce qu’on a

  1. 5. « Quand notre cousine veut. » (Édition de 1754.)