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1680 leurs, avec une barbe à la Lauzun[1], le rendent entièrement méconnoissable. Nous ne sommes occupées que du soin de le faire arriver heureusement ; tout cède à cette application, et toutes nos journées en sont dérangées ; comme il ne s’endort qu’à la pointe du jour, on ne part qu’à huit ou neuf heures, et l’on arrive où l’on peut. Il nous fut impossible hier d’arriver à Sablé : nous demeurâmes dans un poullier à deux pas de celui où je suai si bien il y a cinq ans[2]. Ne soyez nullement en peine : il ne faut à mon fils qu’un bon traitement, et ce sera ce Jourdain dont je vous parlois l’autre jour[3] ; mais en attendant, son état fait pitié. Vous dites que vous ne parlez de la Providence que quand vous avez mal à la poitrine ; et moi, je fais mal à la mienne quand je suis sur ce chapitre ; je ne trouve rien sur quoi il y ait tant de choses à dire, à observer et à examiner ; et pourquoi n’en pas parler comme de la physique ? Pourquoi ne dites-vous plus, comme l’année passée, que nos craintes, nos raisonnements, nos décisions, nos conclusions, nos volontés, nos désirs, ne sont que les exécuteurs de la volonté de Dieu ? Cela n’est-il point inépuisable et curieux à démêler ? Il seroit difficile de vous dire tout ce qui s’est passé depuis deux mois aux Rochers : les confiances à un homme qu’on croyoit habile, les aveuglements, les léthargies pour ne point agir, la paresse, l’amour d’être chez soi, l’inutilité de mes paroles, quand les esprits n’étoient pas disposés ; comme on étoit loin d’écouter les conseils de nos amis qui nous chassoient, et ce qui m’empêchoit aussi d’aller à bride abattue contre l’envie de

  1. 2. M. de Lauzun laissoit croître sa barbe dans sa prison de Pignerol. (Note de Perrin.)
  2. 3. Le tugurio de la lettre du 17 septembre 1675 ? Voyez tome IV, p. 136.
  3. 4. Voyez la lettre du 9 octobre précédent, p. 102.