1680 mandé cette bonne nouvelle : vraiment, ma fille, j’en suis ravie[1]. Vous voyez qu’il ne faut pas toujours juger sur les apparences ; vous avez cru qu’il n’y avoit plus de fond dans ce cœur-là, et vous voyez ce qu’il y avoit. Vous trouverez peut-être la même chose dans celui de votre voisin[2] : j’ai remarqué des sentiments bien tendres dans ce pays-là ; je suis fâchée que vous n’ayez point encore trouvé le moment heureux[3] où l’on parle si bien ; cette amitié n’étoit point faite pour dire : « Je t’aime, je ne t’aime plus ; » cela devoit être tout uni, tout solide. La froideur qui est entre vous et lui, est d’autant plus dangereuse, qu’elle est cachée sous des fleurs ; elle est couverte de beaucoup de paroles de bienséance ; il semble que ce soit quelque chose, et ce n’est rien : voici le portrait que vous en faites vous-même : un retranchement parfait de toutes sortes de liaisons, de communications et de sentiments. Ah, la belle amitié ! ah, la belle amitié ! Je dirois comme le maréchal de Gramont : « Si je vous faisois embrasser, Messieurs, je ne vois rien qui vous empêchât[4] de vous couper la gorge. » Tout cela changera quand le moment sera venu : je vous embrasse tendrement, ma chère enfant, et j’attends[5] celui de vous revoir avec impatience. J’ai encore Mme de Marbeuf : nous nous trouvons fort bien d’elle, elle fort bien de nous ; et cependant elle veut s’en aller : c’est qu’on ne peut durer, quand on est bien. Elle écrit à M. de Coulanges les prospé-
- ↑ 9. « … cette bonne nouvelle, sachant l’intérêt que j’y prends. Vous voyez, etc. » (Édition de 1754.)
- ↑ 10. La baronnie de la Garde est voisine du comté de Grignan, et c’est de M. de la Garde que Mme de Sévigné veut parler ici. (Note de Perrin, 1754.)
- ↑ 11. « Ce moment heureux. » (Édition de 1754.)
- ↑ 12. « Si je vous fais embrasser… qui vous empêche. » (Ibidem.)
- ↑ 13. « … sera venu : j’attends, etc. » (Ibidem.)