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1680 quelquefois un peu mortifiée qu’il me fût comme défendu de causer avec vous sur une matière que j’aime, sachant bien qu’au fond de votre âme vous étiez dans les bonnes et droites opinions. Je n’aurois jamais cette tranquillité avec un bon père. J’en trouvai un à Vichy ; dès la première visite, nous fûmes brouillés, et ses eaux en furent tellement troublées, qu’il fut contraint d’aller à Saint-Mion[1] pour se rafraîchir. Puisque vous lisez les Épîtres de saint Paul, vous puisez à la source, et je ne veux pas vous en dire davantage.

Parlons de votre pauvre frère. Un coquin de chirurgien de Paris, après lui avoir fait bien des remèdes, l’assure qu’il est guéri, et ne lui ordonne que du petit-lait pour le rafraîchir. Votre frère en prend dans cette confiance, et cependant il perd un temps qui est bien précieux ; il s’est trouvé enfin dans un état à maudire ce diantre de petit-lait ; en sorte qu’il a vu cet homme que je vous ai dit qui est habile, et qui le traite actuellement selon le mérite de ce mal, sans néanmoins le séquestrer. Nous espérons qu’avec du temps sa santé se rétablira ; nous le consolons, nous l’amusons, Mme de Marbeuf, une jolie femme de Vitré et moi ; quelquefois nos voisins jouent à l’hombre avec lui ; il est fort patient, et s’amuse fort bien par le jeu et par les livres, dont il n’a pas perdu le goût. Vous m’allez dire : « Mais, ma mère, ne se doute-t-on point du mal qu’il a ? — Ah ! oui, ma fille, assurément, cela n’est point difficile à voir. » Mais il prend patience ; et ce qui est plaisant, c’est que le dais lui ôte la honte, qu’il trouveroit insoutenable si ce malheur lui étoit arrivé sur le rempart : en effet, quand il songe, et quand, et comment, et qui, et sous quelle

  1. 3. Canton de Combronde, arrondissement de Riom. Les eaux de Saint-Mion ont quelque analogie avec les eaux de Seltz.