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ne vous en déplaise ; il s’est mis en furie ; on a voulu lui rendre sa liberté, il s’est jeté comme un furieux par-dessus les barres, et s’est crevé le cœur. J’ai dit, en le voyant mort, comme M. de Montbazon[1] : « Voyez ce que c’est que de nous ; » et je vous le conte, mon enfant : j’ai soutenu ce malheur en grande femme tout à fait, et je n’en irai pas moins à Paris.


859. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 6e octobre.

Je vous ai suivie, ma très-chère, dans tous vos jours d’inquiétude : l’éloignement est cruel dans ces occasions ; on se tourmente quand il faudroit se réjouir ; et Dieu merci, nous n’avons point encore été en état de nous repentir de nous être réjouis quand il auroit fallu s’affliger. La maladie de vos Grignans a été des plus communes sans aucun accident ; ils ont pris du remède de l’Anglois, comme si vous aviez été leur garde, ainsi que vous l’étiez du pauvre bon abbé[2] ; le remède leur a fait des merveilles comme à lui : ils sont sans fièvre ; on me mande qu’ils songent à partir incessamment. Il ne seroit question que de savoir tout cela pour être en repos ; mais on est loin, on est livrée à toutes ses imaginations ; la poste n’arrive pas tous les jours, et on est agitée quand elle arrive ; je connois parfaitement toutes ces sortes de peines. Une santé aussi délicate que la vôtre, tant de coliques si fré-

  1. 10. « En le voyant mort, j’ai dit, comme M. de M*** » (Édition de 1754.) — Voyez tome II, p. 336, note 13.
  2. Lettre 859. — 1. Voyez tome V, p. 560, 562 et 563.