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1679 tous ces petits garçons[1] en larmes, et accablées de douleur, elles arrivèrent à Paris à deux heures après midi, où elles trouvèrent M. de Pompone[2]. Vous pouvez vous représenter cette entrevue, et ce qu’ils sentirent, en se revoyant si différents de ce qu’ils pensoient être la veille. Pour moi, j’appris cette nouvelle par l’abbé de Grignan ; je vous avoue qu’elle me toucha droit au cœur. J’allai à leur porte vers le soir[3] ; on ne les voyoit point en public, j’entrai, je les trouvai tous trois. M. de Pompone m’embrassa, sans pouvoir prononcer une parole ; les dames ne purent retenir leurs larmes, ni moi les miennes : ma chère fille, vous n’auriez pas retenu les vôtres ; c’étoit un spectacle douloureux ; la circonstance de ce que nous venions de nous quitter à Pompone d’une manière si différente, augmenta notre tendresse. Enfin je ne vous puis représenter cet état[4]. La pauvre Mme de Vins, que j’avois laissée si fleurie, n’étoit pas reconnoissable, je dis pas reconnoissable ; une fièvre de quinze jours ne l’auroit pas tant changée ; elle me parla de vous, et me dit qu’elle étoit persuadée que vous sentiriez sa douleur, et l’état de M. de Pompone ; je l’en assurai. Nous parlâmes du contre-coup qu’elle ressentoit de cette disgrâce ; il est épouvantable[5], et pour ses affaires, et pour l’agrément de sa vie et de son séjour, et pour la fortune de son mari ; elle voit tout cela bien dou-

  1. 8. « Tous les petits garçons. » (Édition de 1734.)
  2. 9. Les mots : « où elles trouvèrent M. de Pompone, » manquent dans le texte de 1754, qui continue ainsi : « Vous pouvez vous représenter leur entrevue avec M. de Pompone. »
  3. 10. Dans l’édition de 1784 « dès le soir. »
  4. 11. Cette phrase n’est pas dans la seconde édition de Perrin (1754).
  5. 12. Ces trois mots manquent également dans la seconde édition de Perrin, où la phrase se termine ainsi : « je vous réponds qu’elle voit tout cela bien douloureusement. »