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1679 Je crois que je ferai un traité sur l’amitié ; je trouve qu’il y a tant de choses qui en dépendent, tant de conduites et tant de choses à éviter[1] pour empêcher que ceux que nous aimons n’en sentent le contre-coup ; je trouve qu’il y a tant de rencontres où nous les faisons souffrir, et où nous pourrions adoucir leurs peines, si nous avions autant de vues et de pensées qu’on en doit avoir pour ce qui tient au cœur : enfin je ferois voir dans ce livre qu’il y a cent manières de témoigner son amitié sans la dire, ou de dire par ses actions qu’on n’a point d’amitié, lorsque la bouche traîtreusement vous en assure[2]. Je ne parle pour personne ; mais ce qui est écrit est écrit.

Mon fils me mande des folies, et il me dit qu’il y a un lui qui m’adore, un autre[3] qui m’étrangle, et qu’ils se battoient tous deux l’autre jour à outrance, dans le mail des Rochers. Je lui réponds que je voudrois que l’un eût tué l’autre, afin que je n’eusse point trois enfants ; que c’étoit ce dernier qui me faisoit[4] tout le mal de la maternité, et que s’il pouvoit l’étrangler lui-même, je serois trop contente des deux autres[5]. J’admire la lettre de Pauline : est-ce de son écriture ? Non ; mais pour son style, il est aisé à reconnoître : la jolie enfant ! Je voudrois bien que vous pussiez me l’envoyer dans une de vos lettres ; je ne serai consolée de ne la pas voir que par les nouveaux attachements qu’elle me donneroit : je m’en vais lui faire réponse.

Je quitte ce lieu à regret, ma fille : la campagne est

  1. 5. « Je trouve qu’il y a mille choses qui en dépendent, mille conduites à éviter, etc ; » et deux lignes plus loin : « une infinité de rencontres. » (Édition de 1754.)
  2. 6. « Traîtreusement assure le contraire. » {Ibidem.)
  3. 7. « Un autre lui. » {Ibidem.)
  4. 8. « Qui faisoit. » (Ibidem.)
  5. 9. Le reste du paragraphe manque dans le texte de 1734.