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1679 Nous parlions de vous l’autre jour, Mme de la Fayette et moi, et nous trouvâmes qu’il n’y avoit au monde que Mme de Rohan et Mme de Soubise qui fussent ensemble aussi bien que nous y sommes ; et où trouverez-vous une fille qui vive avec sa mère aussi agréablement que vous faites avec moi ? Nous les parcourûmes toutes ; en vérité nous vous fimes bien de la justice, et vous auriez été contente d’entendre tout ce que nous disions. Il me paroît qu’elle a bien envie de servir M. de Grignan ; elle voit bien clair à l’intérêt que j’y prends ; elle sera alerte sur les chevaliers[1] et surtout le mariage se fera dans un mois, malgré l’écrevisse, qui prend l’air tant qu’elle peut ; mais elle sera encore fort rouge en ce temps-là. Mme de la Fayette prend des bouillons de vipères, qui lui redonnent une âme et lui donnent des forces[2] à vue d’œil ; elle croit que cela vous seroit admirable. On prend cette vipère[3], on lui coupe la tête, la queue, on l’ouvre, on l’écorche et toujours elle remue ; une heure, deux heures, on la voit toujours remuer. Nous comparâmes cette quantité d’esprits si difficiles à apaiser, à de vieilles passions, et surtout celles de ce quartier[4] : que ne leur fait-on point ? On dit des injures, des mépris, des ru-

  1. 11. Elle aurait sollicité pour M. de Grignan, s’il y avait eu une promotion de l’ordre du Saint-Esprit. Il ne reçut la croix de cet ordre qu’en 1688. (Note de l’édition de 1818.) — Dans l’impression de 1754 « et je suis sûre qu’elle sera alerte sur les chevaliers. » Ce qui suit, jusqu’à la fin de la phrase, manque dans cette édition.
  2. 12. « Qui lui redonnent une âme et des forces, etc. » (Édition de 1754.)
  3. 13. Ces premiers mots manquent dans l’édition de 1754, où la suite est ainsi modifiée : « On coupe la tête et la queue à cette vipère. »
  4. 14. Mme de la Fayette habitait vis-à-vis le petit Luxembourg. Ce trait ne s’appliquerait-il pas à Mademoiselle de Montpensier, qui était de plus en plus occupée du duc de Lauzun, prisonnier à Pignerol ? — Dans l’édition de 1754 « à celles de ce quartier. »