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1680 lui donnai lundi une aussi belle collation que si j’eusse payé ma fête : j’eus un peu recours à mes voisins ; j’eus quatorze perdreaux[1] ; c’est encore une rareté en ce pays ; tout le reste fort bon, fort propre. Elle avoit cette bonne Marbeuf, qui n’a été[2] qu’un jour ici, et deux chez la princesse : elle s’en retourne à Rennes auprès des Chaulnes, qui ont envoyé demander si nous voulons de leurs respects ; la princesse a mandé ce qu’elle a voulu en son langage ; moi, j’ai mandé que non, et que j’irois avec cette princesse leur rendre mes devoirs, et que même elle leur donnoit en pur don cette visite, n’ayant nul dessein d’attirer ici l’éclat qui les environne. Elle est ravie que, tout en riant, je la défasse d’un tel embarras. Nous avons juré à table de ne nous plus jeter dans de pareils soupers. Elle avoit amené cinq ou six personnes ; j’avois mes voisins qui avoient chassé : j’ai fermé le temple de Janus ; il me semble que voilà qui est fort bien appliqué : ce sont vos Carthages qui m’ont engagée dans cette application.

Montgobert[3] me mande que vous êtes plus forte que vous n’étiez, et me confirme assez ce que vous me dites de votre santé : elle me parle de vos fêtes et me paroît fort gaie. Jamais votre château n’a été si brillant ; mais je serois bien empêchée s’il me falloit trouver une place pour y souper dans cette saison : je ne sais que Rochecourbières, la terrasse et la prairie. Je me souviens d’y avoir fait grand’chère, et surtout des ortolans si exquis, que j’étois pour leur graisse comme vous étiez à Hières pour la fleur d’orange[4]. Nous ne sentons rien ici de vos

  1. 3. « Et j’eus quatorze perdreaux. » (Édition de 1754.)
  2. 4. « La bonne Marbeuf y étoit ; elle n’a été, etc. » (Ibidem.) — Voyez tome IV, p. 197, note 5.
  3. 5. Cet alinéa manque dans l’impression de 1737.
  4. 6. Voyez plus haut, p. 3.