Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 c’est le duc de Villeroi : j’avois dessein de vous le nommer l’ordinaire d’après[1]. Vraiment, ma fille, je suis ravie que mes lettres, et les nouvelles de mes amies que je vous redonne, vous divertissent comme elles font. La prudence de ceux qui vous écrivent est la véritable cause du bon succès de mon imprudence : s’ils vouloient n’être point si sages, ils vous en diroient bien plus que moi. Mais enfin vous avez été contente de mes fagots ; c’est une fort plaisante chose que de trouver dans mes lettres des nouvelles de la cour ; elles avoient le style des gazettes ; car il y avoit aussi des articles de Copenhague et d’Oldenbourg : en un mot, je vous mande tout.

Il est certain qu’il y a une âme et un mouvement d’esprits, dans le pays que vous savez, qui pourroit suivre les traces des mères et des grand’mères, si l’on n’étoit fort appliqué à détourner ce cours. La vivacité est grande, et l’envie de plaire[2], et l’on ne compte pour rien le manque de beauté : c’est une petite circonstance dont il ne paroît point que l’on soit blessée, ni qu’on la sente en aucune façon[3]. Tout[4] cela fournit vraisemblablement aux conversations infinies, et remplit l’interrègne. Vous me couvrez le momon[5] par votre raisonnement contraire au mien sur le voyage de Monsieur le Prince. Je n’ai plus de si bons commerces : Mme de Coulanges est partie ; elle m’a dit adieu fort joliment ; elle me conte deux ou trois folies de la Rambures et de la Rannes[6], et

  1. Lettre 836 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Voyez la lettre du 7 juillet précédent, p. 511.
  2. 2. « Ainsi que l’envie de plaire. » (Édition de 1754.)
  3. 3. « Ni qu’on la sente le moins du monde. » (Ibidem.)
  4. 4. Cette phrase se lit seulement dans le texte de 1754.
  5. 5. « Le momon est un défi au jeu des dés porté par des masques… On dit couvrir le momon, pour dire accepter le défi. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.) — Nicot, Furetière, Ménage écrivent mommon.
  6. 6. Les deux sœurs. — Sur la marquise de Rambures, voyez tome II,