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1680 Mon fils me fit l’autre jour une assez méchante plaisanterie : il me manda qu’il avoit perdu au reversi deux cent soixante louis, et avec des circonstances si vraisemblables, que je n’en doutai point. J’en fus fort fâchée ; il me rassura par la même poste : c’est cela qui est bien insipide, car à quel propos donner cette émotion ? Je songeai en même temps que cela se trouve vrai quelquefois en des lieux qui me sont encore plus sensibles ; on formeroit, ma chère enfant, une autre grande amitié de tous les sentiments que je vous cache. Le petit Coulanges vous aidera à manger vos perdreaux ; il m’a promis de vous regarder, de vous manier, et de me faire un procès-verbal de votre aimable personne. Vous ferez des chansons, vous m’en enverrez, et j’y répondrai par de la mauvaise prose[1].

La bonne princesse me vient voir sans m’en avertir, pour supprimer la sottise des fricassées. Elle me surprit vendredi ; nous nous promenâmes fort, et au bout du mail il se trouva une petite collation légère et propre, qui réussit fort bien. Elle me conta les torts de sa fille de n’avoir point rempli son écusson d’une souveraineté[2] ; je me moquai fort d’elle, et la renvoyai en Allemagne pour tenir ce discours ; et dans le bois des Rochers, je lui fis avouer que sa fille avoit fort bien fait. Elle est si étonnée de trouver quelqu’un qui ose lui contester quelque chose, que cette nouveauté la réjouit. Le roi et la reine de Danemark vont voir ce comte d’Oldenbourg dans sa comté : il défraye toute cette cour, et sa magnificence surpasse toute principauté. Je vois les lettres de cette comtesse, que je trouve toutes pleines de passion

    sans mélange le plaisir de vous voir guérie de toutes vos incommodités. » (Édition de 1754.)

  1. 5. « Par de mauvaise prose. » (Ibidem.)
  2. 6. Voyez la lettre du 3 mai précédent, p. 375.