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1680 de sortir de chez elle, les voyages à Saint-Germain où il jouoit[1], les ennuis, les ne savoir plus que dire ; enfin quand elle eut bien observé cette éclipse qui se faisoit, et le corps étranger qui cachoit peu à peu tout cet amour si brillant, elle prend[2] sa résolution : je ne sais ce qu’elle lui a coûté[3] ; mais enfin, sans querelle, sans reproche, sans éclat, sans le chasser, sans éclaircissement, sans vouloir le confondre, elle s’est éclipsée elle-même ; et sans avoir quitté sa maison, où elle retourne encore quelquefois, sans avoir dit qu’elle renonçoit à tout, elle se trouve si bien aux Incurables, qu’elle y passe quasi toute sa vie, sentant avec plaisir que son mal n’étoit pas comme ceux[4] des malades qu’elle sert. Les supérieurs de cette maison sont charmés de son esprit ; elle les gouverne tous ; ses amis la vont voir, elle est toujours de très-bonne compagnie. La Fare joue à la bassette :

Et le combat finit faute de combattants[5].

Voilà la fin de cette grande affaire qui attiroit l’attention de tout le monde ; voilà la route que Dieu avoit marquée à cette jolie femme ; elle n’a point dit les bras croisés : « J’attends la grâce ; » mon Dieu, que ce discours me fatigue ! eh, mort de ma vie ! elle saura bien[6] vous préparer les chemins, les tours, les détours, les bassettes, les laideurs, l’orgueil, les chagrins, les malheurs, les grandeurs : tout sert, et tout est mis en œuvre par ce grand ouvrier, qui fait toujours infailliblement tout ce qu’il lui plaît.

  1. 52. Les mots où il jouoit ne sont pas dans le texte de 1754.
  2. 53. Dans le texte de 1754 : « elle prit. »
  3. 54. Dans le manuscrit, on est incertain s’il faut lire coûté ou conté.
  4. 55. « Comme celui. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  5. 56. Vers du Cid, déjà plusieurs fois cité, et que notre manuscrit donne seul.
  6. 57. « La grâce saura bien. » (Éditions de 1737 et de 1754.)