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1679

742 — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Pompone, vendredi 13e octobre.

Me voici, ma fille, avec les meilleures gens du monde, comme vous savez[1] ; aussitôt qu’ils furent arrivés à Pompone, Mme de Vins m’envoya un laquais à Livry, pour me prier, si je le pouvois, de les venir voir. J’y vins hier au soir ; le maître et la maîtresse du logis me reçurent fort bien ; mais Mme de Vins parut tellement votre amie, et notre abord fut si tendre pour vous[2], que je ne pus douter de tout ce que je pensois déjà de la véritable amitié qu’elle a pour vous. Nous causâmes fort de votre départ, de votre séjour, de votre santé, et même de votre retour ; car on ne peut s’empêcher, comme vous disiez une fois, de se rendre l’avenir présent. Nous prenons tout ce que nous pouvons de tous les côtés : il seroit inutile de vous redire toutes nos conversations ; vous les imaginez aisément, et cela rendroit cette lettre infinie. Mme de Vins vous écrit ; elle vous mandera ce qu’elle sait de nouvelles. Dites-lui un peu que vous mettez sur votre compte tout ce qu’elle fait à mon égard. L’amitié qu’elle a pour vous m’est aussi convenable[3] que son âge me l’est peu ; mais son esprit est si bon et si solide, qu’on la peut tenir pour vieille par cet endroit, aussi bien que vous, qui avez passé à joints pieds sur

  1. Lettre 742. — 1. « Me voici avec les plus aimables gens du monde. » (Édition de 1734.)
  2. 2. Ce membre de phrase « : et notre abord fut si tendre pour vous, » manque dans l’édition de 1754, qui remplace « de la véritable amitié n par « des sentiments. »
  3. 3. « Que vous mettez sur votre compte toutes les honnêtetés qu’elle a pour moi. Son amitié m’est aussi convenable, etc. » (Édition de 1754.)