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1680 Vous aurez bientôt vos deux prélats et le petit Coulanges, qui veut aller à Rome avec le cardinal d’Estrées. Vous êtes une si bonne compagnie à Grignan, vous y avez une si bonne chère, une si bonne musique, un si bon petit cabinet, que, dans cette belle saison, ce n’est pas une solitude, c’est une république fort agréable ; mais je n’y puis comprendre la bise et les horreurs de l’hiver. Vous me dites des merveilles de votre santé, c’est-à-dire que vous êtes belle ; car votre beauté et votre santé tiennent ensemble. Je suis trop loin pour entrer dans un plus grand détail ; mais je ne puis manquer en vous conjurant de ne point abuser de cette santé, qui est toujours bien délicate[1]. Montgobert ne me mande point qu’elle soit mal avec vous : elle me conte la jolie vie que vous faites, et me dit des folies sur ce chapelet ; mes filles ont été ravies de votre approbation ; elles trembloient de peur ; mais voyant que vous êtes fort aise qu’elles se moquent de moi[2] : « Bon, bon, dit Marie, nous allons bien tromper Madame. » Il est vrai que jamais il n’y eut une telle sottise. Vous pouvez croire, après cela, que si quelqu’un entreprenoit de me prouver que vous n’êtes point ma fille, il ne seroit pas trop impossible dé me le persuader.

Vous lisez donc saint Paul et saint Augustin ; voilà les bons ouvriers pour établir la souveraine volonté de Dieu. Ils ne marchandent point à dire que Dieu dispose de ses créatures[3], comme le potier : il en choisit, il en rejette. Ils ne sont point en peine de faire des compliments pour sauver sa justice ; car il n’y a point d’autre justice que sa volonté : c’est la justice même ; c’est la règle

  1. 25. La fin de l’alinéa, à partir d’ici, a été donnée pour la première fois par Perrin dans sa seconde édition (1754).
  2. 26. Voyez la lettre du 21 juin précédent, p. 473 et 474.
  3. 27. « Des créatures. » (Édition de 1737.) — Voyez l’Épître de saint Paul aux Romains, chapitre ix, versets 20 et 21.