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1680 est tout ébranlée ; et puis je me moque de moi[1]. C’étoit la poste de Bretagne qui s’étoit fourvoyée pour le paquet de du But uniquement ; car j’avois reçu toutes les lettres dont je ne me soucie point. Voilà un trop grand article : ce même fond me fait craindre mon ombre toutes les fois que votre amitié est cachée sous votre tempérament ; c’est la poste qui n’est pas arrivée : je me trouble, je m’inquiète, et puis j’en ris, voyant bien que j’ai eu tort. M. de Grignan, qui est l’exemple de la tranquillité qui vous plaît, seroit fort bon à suivre, si nos esprits avaient le même cours, et que nous fussions jumeaux. Mais il me semble que je me suis déjà corrigée de ces sottes vivacités ; et je suis persuadée que j’avancerai encore dans ce chemin où vous me conduisez, en me persuadant bien fortement[2] que le fond de votre amitié pour moi est invariable. Je souhaite de mettre en œuvre toutes les résolutions que j’ai prises sur mes réflexions ; je deviendrai[3] parfaite sur la fin de ma vie. Ce qui me console du passé, ma très-chère, c’est que vous en voyez aussi le fond : un cœur trop sensible[4], un tempérament trop vif, et une sagesse fort médiocre. Vous me jetez tant de louanges au travers de toutes mes imperfections[5], que c’est bien moi qui ne sais qu’en faire ; je voudrois qu’elles fussent vraies et prises ailleurs que dans votre amitié. Enfin, ma chère enfant, il faut se souffrir ; et l’on peut quasi toujours dire, en comparaison de l’éternité :

Vous n’avez plus guère à souffrir,

  1. 2. Ce qui suit, jusqu’à : « ce même fond, etc., » manque dans le texte de 1737.
  2. 3. « En m’assurant, comme vous faites. » (Édition de 1754.)
  3. 4. « Si je réussis à mettre en œuvre toutes mes résolutions je deviendrai, etc. » (Ibidem.)
  4. 5. « C’est que vous devez me connoître un cœur trop sensible. »(Ibidem.)
  5. 6. « Au travers de mes imperfections. » (Ibidem.)