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1680 pour cet éclair[1] de passion, qui fait voir un mérite et un esprit fort médiocre : on triompheroit de cela ; mais sur l’esprit, la conversation, il faut mourir de chagrin ; on a beaucoup de rudesse pour elle.

Mais que dites-vous de ce mariage de la princesse de Conti, sur qui toutes les fées avoient soufflé ? J’ai vu ma voisine[2], je ne lui donnerai point d’autre titre. Elle me fit beaucoup d’amitié[3], et me montra d’abord votre lettre ; elle entend fort bien un petit endroit où vous parlez de son cœur, comme si vous l’aviez vu : elle dit qu’elle est venue ici pour vous faire réponse. Sa fille est transportée de joie ; elle est en Allemagne, ravie d’avoir quitté le Danemark, charmée de son mari, de ses richesses[4]. Elle s’est un peu précipitée de se marier devant les signatures de toute sa famille : sa mère est en colère[5], mais je me moque d’elle. Elle m’a conté[6] qu’on avoit choisi un homme de la cour[7], pour danser avec la bru[8]. Cet homme de la cour dansoit si bien, on le trouvoit si bien fait, on en parloit si souvent, il étoit habillé de couleurs si convenables, qu’un jour le père dit en le rencontrant : « Je pense que vous voulez donner de la jalousie à mon fils, je ne vous le conseille pas. » C’en est assez, on ne danse plus : il y a mille bagatelles encore qu’on

  1. 14. Au lieu d’éclair, notre manuscrit porte éclat.
  2. 15. Mme la princesse de Tarente étoit de retour à Vitré, où elle résidoit ordinairement. Les Rochers ne sont qu’à une lieue de Vitré. (Note de Perrin, 1754.)
  3. 16. « Beaucoup d’amitiés. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  4. 17. « De son mari et de ses richesses. (Ibidem.)
  5. 18. « Avant les signatures de toute sa famille : la mère en est en colère. » (Ibidem.)
  6. 19, « Au reste, elle m’a conté. » (Ibidem.)
  7. 20. Le duc, depuis maréchal de Villeroi. Voyez la lettre du 28 juillet suivant.
  8. 21. La Dauphine.