Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/489

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 se soumettre aux ordres de la Providence[1]. Nous serions bien fous si nous raisonnions sur sa conduite ; cependant je ne prétends pas l’offenser quand je dis que je voudrois bien qu’il lui eût plu de me faire passer ma vie avec vous, ou du moins dans votre voisinage. Pour les maux que cette Providence m’a faits en ruinant ma fortune, j’ai été longtemps sans vouloir croire que ce fût pour mon bien, comme me le disoient mes directeurs ; mais enfin, j’en suis persuadé depuis trois ans : je ne dis pas seulement pour mon bien en l’autre monde, mais encore pour mon repos en celui-ci[2]. Dieu me récompense déjà en quelque façon de mes peines par ma résignation ; et je dis maintenant de ce bon maître ce que dans ma folle jeunesse je disois de l’amour

Il paye en un moment un siècle de travaux,
Et tous les autres biens ne valent pas ses maux.

Je suis trop heureux de croire, plus que je n’ai jamais fait, que ceux qui me connoissent me jugent digne des grands honneurs et des grands établissements. Pour ce que pensent de moi ceux qui ne me connoissent point, je ne m’en tourmente guère, et j’espère que bientôt les sentiments des uns et des autres sur mon sujet me seront fort indifférents en l’autre monde. Je souhaiterois seulement un peu plus de bien que je n’en ai, pour pouvoir mettre mes enfants en état de ne m’être point à

  1. 7. « Se soumettre à la Providence. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  2. 8. Ce qui suit, jusqu’à la fin de l’alinéa, manque dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale, qui commence ainsi l’alinéa suivant : « Je crois plus que je n’ai jamais fait… Ce que pensent de moi ceux qui ne me connoissent point ne me tourmente guère. » Deux lignes plus loin, les mots en l’autre monde ne se trouvent pas dans ce manuscrit.