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1680 été jugée ; car cela lui donne lieu de revenir à Paris cet hiver. Cependant, comme elle n’a pas besoin de prétextes pour ce voyage, elle eût bien voulu être hors d’intrigues.

J’ai fait toute la peur à Mme de Montglas, et lorsqu’elle attendoit la honte de paroître en public manquer de bonne foi, je lui viens de faire dire par la comtesse de Fiesque, qu’après les sentiments que j’avois eus pour elle, je ne lui voulois jamais faire de mal. Je ne sais comment elle recevra cela, mais je sais bien pourquoi je l’ai fait[1].

Chiverni a épousé la petite Saumery[2], à qui son père a donné cent mille francs, et le Roi soixante mille écus pour récompenser feu Montglas des avances qu’il avoit faites quand il étoit maître de la garde-robe. Mon ami Saint-Aignan[3] avoit des intentions pour la petite Saumery ; il est bien fâché que Chiverni lui ait été préféré. Sa consolation est, dit-il, qu’il le fera cocu, et sur cela, je l’assure que son rival ne sera pas le premier cocu de sa race.

Vous avez raison, ma chère cousine, de dire qu’il faut

  1. 4. Voyez plus haut, p. 470, note 2.
  2. 5. Voyez ci-dessus, p. 272, note 2l, et p. 461, note 27.
  3. 6. Le duc de Saint-Aignan avait perdu sa femme (Antoinette Servien) le 22 janvier 1680. Le duc, quoiqu’il eût soixante-treize ans, n’avait pas renoncé au mariage. Bussy écrivait, le 17 février 1680, à la Rivière : « La duchesse de Saint-Aignan est morte. On remarie déjà mon ami à la princesse Marianne, à la comtesse de Guiche, à Mme de Maintenon, à Mlle de Vaillac, et moi, je le marie à une demoiselle {Bussy avait d’abord écrit « à une petite femme de chambre » ) de sa femme dont il y a quinze ans qu’il est amoureux. » En effet, le duc de Saint-Aignan épousa secrètement, le 9 juillet suivant, Françoise Geré de Rancé, qui était attachée à la duchesse de Saint-Aignan, sous le nom de demoiselle de Lucé ; elle était née noble ; le mariage ne fut déclaré qu’un an après, et célébré de nouveau le 16 mars 1681.