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1680 chaise qu’on va rompre, une cérémonie de guinguois : « Ne voudriez-vous pas, Madame, que je passasse devant vous ? » On soupe enfin ; et pour interrompre la continuité ridicule de mes bâillements, je m’amuse à disputer contre cette fille, et cela me réveille[1]. Il y a trois jours que cette femme est plantée ici ; je commence à m’y accoutumer ; car comme elle n’est pas assez habile pour être charmée de la liberté que je prends de faire tout ce qu’il me plaît, de la quitter, d’aller voir mes ouvriers, d’écrire, j’espère qu’elle s’en trouvera offensée[2] ; ainsi je me ménage les délices d’un adieu charmant, qu’il est impossible d’avoir quand on a une bonne compagnie : voilà le train qui m’est venu, et qui s’en ira quand il plaira à Dieu ; je vous assure au moins que je ne le retiendrai pas. Je vous conjure, ma très-chère, de ne point répondre à tout ceci : je me divertis à causer, et c’est tout ce que je veux.

Mlle du Plessis est à son couvent ; vous ai-je dit comme elle a joué l’affligée, et comme elle voloit la cassette, pendant que sa mère expiroit ? Vous ririez[3] de voir comme tous les vices et toutes les vertus sont jetés pêle-mêle dans le fond de ces provinces ; car je trouve des âmes de paysans plus droites que des lignes, aimant la vertu, comme naturellement les chevaux trottent. La main qui jette tout cela dans son univers, sait fort bien ce qu’elle fait, et tire sa gloire de tout, et tout est bien. M. de la Garde vous en dira sur ce ton plus que moi[4],

  1. 40. « Je m’amusai… et cela me réveilla. » (Édition de 1754.)
  2. 41 « Mais j’espère que n’étant pas assez habile… elle s’en trouvera offensée. » (Ibidem.)
  3. 42. « …est à son couvent : si vous saviez comme elle a joué l’affligée… vous ririez, etc. » (Ibidem.)
  4. 43. Après ces mots : plus que moi, l’édition de 1737 n’a plus que la petite phrase : «  « Adieu, ma chère enfant, » qui manque à celle de 1754.