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1680 belles terres dégagées, toutes ses dettes payées, et que le voilà hors de l’hôpital, où il étoit assurément. Mais on ne se refond point ; tout cela va comme il plaît à la Providence. Je vois si trouble dans la destinée de votre frère, que je n’en puis parler. Je ne vois point les petits-enfants qui me viendront de ce côté ; je vois les vôtres tout jolis, tout venus, et je crois que votre santé est meilleure : voilà ce qui me charme ; mais je vous conjure, ma très-chère et très-bonne, de ne point abuser de ce mieux, et de craindre de retomber dans vos maux.

Je n’ai rien à vous répondre sur ce que dit saint Augustin, sinon que je l’écoute et je l’entends, quand il me dit et me répète cinq cents fois dans un même livre[1] que tout dépend donc, comme dit l’Apôtre, « non de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde à qui il lui plaît[2] ; que ce n’est point en considération d’aucun mérite que Dieu donne sa grâce aux hommes, mais selon son bon plaisir, afin que l’homme ne se glorifie point, puisqu’il n’a rien qu’il n’ait reçu[3]. » Et tout un livre sur ce ton, plein des passages de la sainte Écriture, de saint Paul, des oraisons de l’Église : il appelle notre libre arbitre une délivrance et une facilité d’aimer Dieu, parce que nous ne sommes plus sous l’empire du démon, et que nous sommes élus de toute éternité, selon les décrets du Père Éternel avant tous les siècles. Quand je lis tout ce livre[4], et que je trouve tout

  1. 25. Voyez la lettre du 26 juin suivant, p. 487.
  2. 26. Êpître de saint Paul aux Romains, chapitre ix, verset 16 ; aux Éphésiens, chapitre i, versets 5 et 6
  3. 27. Première Épître aux Corinthiens, chapitre i, verset 31, et chapitre iv, verset 7.
  4. 28. Dans sa première édition (1737), Perrin a ainsi abrégé cette phrase : « Quand on me parle ensuite du libre arbitre, je suis toute disposée, etc. »