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1680 me voyant occupée de ce beau chapelet[1] , ont trouvé plaisant de m’écrire la lettre que je vous ai envoyée[2], et qui a si parfaitement réussi, qu’elles en ont été effrayées, comme nous le fûmes une fois à Fresnes, pour une fausseté que cette bonne Scudéry avoit prise trop âprement : vous en souvient-il ? Elles me virent donc vous envoyer cette lettre, partagées entre pâmer de rire et mourir de peur[3]. « Comment, disoit Hélène, se moquer de sa maîtresse ! — Mais, disoit Marie, c’est pour rire, cela réjouira Madame la Comtesse. » Enfin elles ont tant tortillé autour de moi, qu’ayant tâté et trouvé le terrain favorable, elles m’ont avoué[4] qu’elles avoient fait écrire cette lettre par Demonville ; elles m’ont dit qu’elle étoit encore toute mouillée, que je devois bien la reconnoître[5] pour une friponnerie, plutôt que de vous l’envoyer, que depuis trois nuits elles ne dormoient pas, et qu’enfin elles me demandoient pardon. Voyez si vous ne reconnoissez[6] pas votre mère à ces sottes simplicités, qui vous ont tant divertie à Livry, et que je souhaite qui vous divertissent encore[7]. Vous n’avez donc plus qu’à me mander pourquoi vous m’avez envoyé ce beau chapelet que je méconnoissois[8] ; et moi je vous en remercierai aussitôt. Si je voulois, je citerois M. de la Roche-

  1. 9. Voyez la lettre du 12 juin précédent, p. 453 et 454.
  2. 10. Sans doute la lettre de la F… dont il a été question au 15 juin précédent, p. 460.
  3. 11. « Partagées entre l’envie de rire et la peur de me fâcher. » (Édition de 1754.)
  4. 12. « Que m’ayant trouvée dans un bon moment, elles ont tâté et trouvé le terrain favorable, et m’ont avoué. (Ibidem.)
  5. 13. « …par Demonville ; et elles m’ont dit que je devois bien la reconnoître. » (Ibidem.)
  6. 14. « Si vous ne retrouvez pas. » (Ibidem.)
  7. 15. « Qui vous réjouissent encore. » (Ibidem.)
  8. 16. « Que j’ai méconnu. » (Ibidem.)