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1680 Dieu merci, ma chère Comtesse, nous n’avons rien gâté ; vos deux frères ne seraient pas mieux jusqu’à présent, quand nous aurions été molinistes. Les opinions probables, ni la direction d’intention dans l’hôtel de Carnavalet, ne leur auroient pas été plus avantageuses que tout le libertinage de nos conversations. J’en suis ravie, et j’ai souvent pensé avec chagrin[1] à toute l’injustice qu’on nous pourroit faire là-dessus.

Vous me demandez des lettres de la F… : tenez, mon ange, en voilà une toute chaude[2] ; je vous conjure que cela ne retourne point. Je ne comprends rien du tout à M. de la Trousse, ni à Mme d’Épinoi[3], ni à ce laquais qui a volé ; je me ferai instruire, et vous enverrai la lettre. Vous verrez que cette bonne Lavardin est toute désolée : qui pourroit s’imaginer qu’elle ne fut pas transportée de marier son fils[4] ? C’est pour les sots ces sortes de jugements ; el mundo por de dentro[5] : c’est un livre espagnol,

  1. 20. Les mots avec chagrin, ne sont que dans notre manuscrit, de même que la phrase suivante : « Vous me demandez, etc. »
  2. 21. Voyez la lettre du 21 juin suivant, p. 473 et 474.
  3. 22. Sans doute une sœur du duc de Rohan, Jeanne-Pélagie. Elle avait épousé, le 11 avril 1668, Alexandre-Guillaume de Melun, prince d’Épinoi, alors veuf de Louise-Anne de Béthune. Elle mourut subitement à Versailles le 18 août 1698 ; elle était veuve depuis 1679. « C’étoit, dit Saint-Simon, qui raconte sa mort en détail (tome II, p. 177 et suivantes), une femme d’esprit et de grand sens, bonne et aussi vraie et sûre que sa sœur de Soubise étoit fausse ; noble, généreuse, bonne et utile amie, accorte, qui aimoit passionnément ses enfants, et qui, excepté ses amis, ne faisoit guère de choses sans vues. »
  4. 23. Voyez la lettre précédente, p. 450 et 45i.
  5. 24. « Le monde par dedans. » C’est le titre d’un opuscule de Quevedo, qui est une petite vision satirique sur les inconséquences et fausses apparences du monde. Il est précédé d’une dédicace au duc d’Ossuna, datée du 26 avril 1612. On cite un manuscrit qui porte ce titre plus long : Discurso del mundo por de dentro y por defuera, « Discours du monde par dedans et par dehors, » Cet ouvrage a été sou-