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1680 temps de méditer là-dessus, quoique je ne sois plus dans un bateau. Je crois avoir mieux jugé de la véritable raison de votre départ. Imaginez-vous, pour vous consoler des dépenses d’Aix, que M. de Grignan n’en auroit guère moins fait, s’il y avoit été sans vous ; que son retour auroit coûté aussi ; que si vous étiez partie présentement, c’eût été encore de la dépense : figurez-vous des habits fort honnêtes qu’il auroit fallu avoir pour le mariage de la Dauphine ; et enfin c’est peut-être la décision de la destinée de Mlle de Grignan que ce voyage : c’est par cette suite et cet arrangement que la Providence l’a marqué. Voilà ce qui me vient au bout de ma plume pour me consoler moi-même d’une chose passée, sur quoi nous n’avons plus de droit, et sur quoi nous causons pour causer ; c’est aussi pour vous demander bien sérieusement si c’est tout de bon que vous avez pu vous représenter que je fusse contente de vous voir partir dans l’état où vous étiez ; je verrai par là ce que vous croyez de mon amitié, et de quelle façon vous accommodez des choses si opposées. Adieu, ma très-chère : je ne me reproche à votre égard aucun sentiment qui ne soit conforme et très-naturellement attaché à la tendresse que j’ai pour vous

À Nantes, mardi au soir 14e mai

Je reçois présentement votre paquet, et quoique la poste soit prête à partir, je ne puis m’empêcher de, vous remercier de vos amitiés et de celles de Pauline. Vous étiez bien lasse, ma chère enfant : reposez-vous ; craignez de vous remettre dans un état misérable ; suivez les conseils de la Rouvière ; je m’en vais bien faire valoir à Mme de Thianges qu’il a guéri son frère[1] ; je voudrois bien qu’il

  1. 19. Vivonne.