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1680 mener aux Indes que toutes les autres conduites que l’on pourroit imaginer : en vous faisant toujours la maîtresse, il est toujours le maître ; cette manière lui est naturelle, mais s’il y avoit un art pour mener un cœur comme le vôtre, il l’auroit uniquement trouvé. Vous avez vu au travers de ses honnêtetés ce qu’il souhaitoit, vous avez été conduite par l’envie de lui plaire : c’est donc à lui à décider, quand des voyages vous seront aussi ruineux, ou à vous à dire vos raisons un peu plus fortement, puisque c’est votre intérêt commun de ne plus jouer le rôle de gouverneurs, dont vous ne vous acquittez que trop bien. C’est proprement causer que tout ceci ; car c’est une chose passée : il s’agit de songer à réparer ces étranges brèches. M. de Grignan m’écrit une lettre fort honnête ; il me fait voir qu’il ne veut pas que j’aie mauvaise opinion de lui, et conte si bien toutes ses raisons, qu’il n’y a rien à lui répliquer.

On travaillera à votre petit appartement, selon vos intentions ; tout cela est réglé, les cloisons, la cheminée, le parquet de la chambre, les croisées. Je crois que c’est aujourd’hui qu’on commence ; le bon du But est surintendant de cet ouvrage. Il faut espérer, ma chère enfant, quelque chose de plus doux que d’être à cent mille lieues les uns des autres, comme nous voilà présentement : cela fait peur. Vous êtes bien heureux d’avoir donné de si bons ordres à Entrecasteaux[1], et de voir augmenter cette terre ; je crains bien de voir ici tout le contraire ; je vous en manderai des nouvelles.

J’ai relu ce matin votre lettre, et je n’ai point compris pourquoi vous m’enveloppez entièrement dans tout ce monde que vous dites qui souhaitoit votre départ : voilà une facette que je ne connois point en vous ; j’aurai le

  1. 18. Voyez tome IV, p. 447, note 6.