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1680 ment à sa mauvaise destinée ; il périt dans une guerre en Afrique contre le fils d’Abdalla, oncle de Zaïde[1] : c’est assurément une des plus amusantes histoires qu’on puisse lire[2]. Je reviens ensuite à la Providence, à ses conduites[3], à ce que je vous ai entendu dire, que nos volontés sont les exécutrices de ses décrets éternels. Je voudrois bien causer avec quelqu’un ; je viens d’un lieu où l’on est assez accoutumé à discourir : nous parlons, le bon abbé et moi, mais ce n’est pas d’une manière qui puisse nous divertir. Nous passons tous les ponts avec un plaisir qui nous les fait souhaiter : il n’y a pas beaucoup d’ex voto pour les naufrages de la Loire, non plus que pour la Durance : il y auroit plus de raison de craindre cette dernière, qui est folle, que notre Loire, qui est sage et majestueuse. Enfin nous sommes arrivés ici de bonne heure ; chacun tourne, chacun se rase, et moi j’écris romanesquement sur le bord de la rivière, où est située notre hôtellerie : c’est la Galère ; vous y avez été.

J’ai entendu mille rossignols ; j’ai pensé à ceux que vous entendez sur votre balcon. Je n’ose vous dire, ma

    cardinal Henri, son oncle, qui lui succéda, le roi d’Espagne, Philippe II, réunit la couronne de Portugal à la couronne d’Espagne.

  1. 11. Ou plutôt pour le fils d’Abdalla, Mulei Mahamet (Muley-Mohammed al Monthaser), souverain de Fez et de Maroc, qui, ayant été vaincu et dépossédé par son oncle, le vieux Muleï Molue (Muley-Abdelmelek), avait imploré le secours du roi Sébastien. — Les mots : oncle de Zaïde omis dans le texte de 1754, sont sans doute une allusion peu exacte au roman de Zayde de Mme de la Fayette et de Segrais, publié en 1670 et 1671. Il n’y a point de Zaïde dans l’Histoire de la réunion du Portugal, mais dans le roman il est parlé d’un Abdala, roi de Cordoue, dont le successeur a pour auxiliaire Zuléma, père de Zaïde.
  2. 12. « Une histoire des plus amusantes qu’on puisse lire. » (Édition de 1754.)
  3. 13. « Je pense à la Providence, à ses ordres, à ses conduites. » (Ibidem.)