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1680

807. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Blois, jeudi 9e mai.

Je veux vous écrire tous les soirs, ma chère enfant ; rien ne me peut contenter que cet amusement. Je tourne, je marche, je veux reprendre mon livre ; j’ai beau tourner une affaire[1], je m’ennuie, et c’est mon écritoire qu’il me faut. Il faut que je vous parle, et qu’encore que cette lettre ne parte ni aujourd’hui, ni demain, je vous rende compte tous les soirs de ma journée.

Mon fils est parti cette nuit d’Orléans par la diligence, qui part tous les jours à trois heures du matin, et arrive le soir à Paris ; cela fait un peu de chagrin à la poste[2]. Voilà les nouvelles de la route, en attendant celles de Danemark. Nous sommes montés dans le bateau à six heures par le plus beau temps du monde ; j’y ai fait mettre[3] le corps de mon grand carrosse, d’une manière que le soleil n’a point entrée dedans : nous avons baissé les glaces ; l’ouverture du devant fait un tableau merveilleux ; celle des portières et des petits côtés nous donne[4] tous les points de vue qu’on peut imaginer. Nous ne sommes que l’abbé et moi dans ce joli cabinet, sur de bons coussins, bien à l’air, bien à notre aise ; tout le reste, comme des cochons sur la paille. Nous avons

  1. Lettre 807. — 1. Expression que M. de la Garde employoit à tout propos. (Note de Perrin, 1754.) — Dans le texte de 1737, la phrase est ainsi : « Je tourne, je marche, je veux reprendre un livre ; j’ai beau faire, je m’ennuie, etc. »
  2. 2. Ce membre de phrase se lit seulement dans l’édition de 1754.
  3. 3. « J’y ai fait placer. » (Édition de 1754.) — Grand est omis devant carrosse dans l’impression de 1737.
  4. 4. « Les portières et les petits côtés nous donnent. » (Édition de 1754.)