enfin, ma chère enfant, trouvez-vous que je n’aie rien à faire[1] ?
1679
738. DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Le plaisant repos que vous avez eu à Lyon ! je l’ai prévu, ma fille, et j’ai bien compris l’accablement où vous seriez. Mon Dieu, que tout ce qui vous fatigue me fait de mal ! Vous aviez des visites qui ressembloient à celles de Paris. Je vous plains bien d’avoir été obligée de laisser la pauvre Montgobert malade. Vous aviez un temps épouvantable quand vous vous êtes embarquée : ce Rhône aura-t-il bien voulu de vous ? Quel mal vous aura fait cette tempête ! et puis la bise peut-être en arrivant à Grignan. Ma fille, on n’a jamais tout craint, quand on aime comme je fais[2]. J’attends toujours de vos nouvelles avec impatience ; vos lettres font la consolation de ma vie, et puis je meurs de peur qu’elles ne vous aient fait mal[3] en les écrivant. En vérité, mon enfant, il y a bien loin de moi à un philosophe stoïque[4] ; mais enfin c’est ma destinée, et j’y consens, puisque vous le voulez. Vous me répondez trop aimablement : il faut que je fasse ce mot exprès pour l’article de votre lettre, où vous me paroissez persuadée de toutes les vérités que je vous ai
- ↑ 25. Dans sa seconde édition (1754), Perrin abrége ainsi : « de cent lieues loin, et je ne trouve point avec cela que je n’aie rien à faire. »
- ↑ Lettre 738. 1. « On craint toujours, quand on aime comme je fais. » (Édition de 1734.)
- ↑ 2. « Que vous n’en soyez incommodée. » (Édition de 1754.)
- ↑ 3. « Stoïcien. » (Ibidem.)