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1680 dis-je ; et souvenez-vous au contraire que je mourois de peur à pied en passant les vaux d’Olioules[1]  : voilà ce qui doit justifier mes craintes et fonder votre tranquillité. Faites donc en sorte que mon souvenir vous gouverne, comme le vôtre me gouvernera. Je ne vous dis point[2] les peines que me causera cet éloignement ; j’y donnerai les meilleurs ordres que je pourrai, et j’éclaircirai, autant qu’il me sera possible, l’entre chien et loup de nos bois. Je commence par la Loire et par Nantes, qui n’ont rien de triste ; je crois que mon fils viendra me conduire jusqu’à Orléans. Au reste, je suis persuadée des complaisances de M. de Grignan : il a des endroits d’une noblesse, d’une politesse, et même d’une tendresse extrême : il y a d’autres choses[3], dont les contre-coups sont difficiles à concevoir ; enfin tout est à facettes ; il a des traits inimitables[4] pour la douceur et l’agrément de la société ; on l’aime, on le gronde, on l’estime, on le blâme, on l’embrasse, on le bat.

Adieu, ma très-chère : je vous embrasse, et je vous quitte enfin[5]. Il me semble que vous vous moquez de moi, quand vous craignez que je n’écrive trop : ma poitrine est à peu près délicate comme celle de Georget[6] ;

  1. 33. Les vaux d’Olioules, qu’on appelle en langage du pays leis Baous d’Oulioules, ne sont autre chose qu’un chemin étroit, d’environ une lieue, à côté d’une petite rivière qui passe entre deux montagnes très-escarpées, en Provence. (Note de Perrin.) — Voyez tome IV, p. 116.
  2. 34. Ce membre de phrase et le suivant manquent dans le texte de 1737, qui reprend à j’éclaircirai.
  3. 35. « Je vois en lui d’autres choses. » (Édition de 1754.)
  4. 36. « Et comme tout est à facettes, il a aussi des endroits inimitables. » (Ibidem.)
  5. 37. « Adieu, ma très-chère je vous quitte enfin. » (Ibidem.) — La lettre finit ici dans l’impression de 1737.
  6. 38. Fameux cordonnier pour femmes. (Note de Perrin.) Il a déjà été nommé au tome II, p. 157.