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1679 aux Rochers, dont ils admiroient la beauté : tout ce que vous ne connoissez pas est plus beau que ce que vous connoissez.

Adieu, ma très-chère : je m’oublie ; encore faut-il donner des bornes à cette lettre, ou bien se résoudre à la faire relier : en vérité, c’est une douceur que d’écrire, mais on n’a ce sentiment que pour une personne au monde ; car après tout, c’est une fatigue, et encore faut-il avoir une poitrine comme je l’ai. Je m’en vais faire partir mon laquais : les jours sont bien changés depuis que vous étiez ici ; et même depuis que j’ai commencé cette lettre, nous sommes parvenus à quatre heures du soir.

Vous me demandez ce que je fais[1] : je lis mes anciens livres ; je ne sais rien de nouveau qui me tente ; un peu du Tasse, un peu des Essais de morale ; je travaille à finir cette chaise qui est commencée en l’année 1674[2] ; je me promènerai quand il ne pleuvra plus ; je pense continuellement et habituellement à vous ; je vous regrette, sans avoir à me reprocher de n’avoir pas goûté tous les moments que j’ai été avec vous[3] ; je vous écris, je relis vos lettres, j’espère de vous revoir[4], je fais des plans pour y parvenir ; je suis occupée ou amusée de tout ce qui a rapport à vous de cent lieues loin ; je retourne sur le passé ; je regrette les antipathies et les morts ; je tremble pour votre santé ; la bise me fait une oppression par la crainte qu’elle me donne ;

    vous n’en connoissez pas est plus beau que ce que vous en connoissez. » (Édition de 1754.)

  1. 21. L’alinéa précédent m’est pas dans l’édition de 1754, où celui-ci commence ainsi : « Adieu, ma très-chère : vous me demandez ce que je fais, etc. »
  2. 22. Ce membre de phrase n’est que dans l’édition de 1734.
  3. 23. « Que j’ai passés avec vous. » (Édition de 1754.)
  4. 24. « J’espère vous revoir. » (Ibidem.)