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1680 flexions. Il est mort avec une grande fermeté. Nous causerions longtemps, sur tout cela.

Et le pauvre M. Foucquet, que dites-vous de sa mort ? Je croyois que tant de miracles pour sa conservation promettoient une fin plus heureuse ; mais les Essais de morale condamnent ce discours profane[1], et nous apprennent que ce que nous appelons des biens n’en sont pas, et que si Dieu lui a fait miséricorde, comme il y a bien de l’apparence, c’est là le véritable bonheur et la fin la plus digne et la plus heureuse qu’on puisse espérer, qui devroit être le but de tous nos desirs, si nous étions dignes de pénétrer ces vérités ; ainsi nous corrigerions notre langage aussi bien que nos idées. Voilà encore un chapitre sur quoi nous ne finirions pas sitôt. Cette lettre devient une table des chapitres, et seroit un volume si j’y disois tout ce que je pense. Si la famille de ce pauvre homme me croyoit, elle ne le feroit point sortir de prison à demi puisque son âme est allée de Pignerol dans le ciel, j’y laisserois son corps après dix-neuf ans ; il iroit de là tout aussi aisément à la vallée de Josaphat que d’une sépulture au milieu de ses pères ; et comme la Providence l’a conduit d’une manière extraordinaire, son tombeau le seroit aussi. Je trouverois un ragoût dans cette pensée ; mais Mme Foucquet ne pensera point comme moi. Les deux frères sont allés bien près l’un de l’autre ; leur haine a été le faux endroit de tous les deux, mais bien plus de l’abbé, qui avoit passé jusqu’à la rage.

Autre chapitre : disons un mot de Madame la Dauphine. J’ai eu l’honneur de la voir ; il est vrai qu’elle n’a

  1. 3. Ce que dit ici Mme de Sévigné peut se rapporter à divers traités de Nicole, particulièrement à celui des Quatre dernières fins de l’homme. Sur les fausses idées et le faux langage à l'égard des biens et des maux, on peut voir le Discours du même auteur qui traité du Danger des entretiens des hommes (Ire partie, chapitre ii).