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1680 bien des raisons m’empêchèrent d’y aller. On dit de solides biens de Madame la Dauphine : c’est une personne enfin, c’est un bel et bon esprit, elle a des manières toutes charmantes et toutes françoises ; elle est accoutumée à cette cour, comme si elle y étoit née ; elle a des sentiments à elle toute seule, elle ne prend point ceux qu’on lui présente : « Madame, ne voulez-vous pas jouer ? — Non, je n’aime point le jeu. — Mais vous irez à la chasse ? — Point du tout, je ne comprends pas ce plaisir. » Que fera-t-elle donc ? Elle aime fort la conversation, la lecture des vers et de la prose, l’ouvrage, la promenade, et surtout de plaire au Roi : c’est son unique application, et elle est aussi celle de Sa Majesté ; il passe beaucoup d’heures dans sa chambre[1], et plus du tout dans celle de Mme de Montespan. Cela fait une cour fort retirée ; car on ne voit point cette princesse[2] pendant qu’elle a si bonne compagnie. On y tient le cercle une heure du jour ; on ne la verra ni à sa toilette, ni à son coucher. La faveur de la personne enrhumée[3] (c’est ainsi que vous la nommiez cet hiver) augmente tous les jours, comme[4] la haine entre elle et la sœur de celui qui vous a si bien reçue[5] : cela est au point de n’aller plus dans sa chambre[6] . Tout ce que dit Madame la Dauphine est juste et d’un bon tour ; il n’y a rien à souhaiter pour l’esprit et pour l’humeur[7], et cela est si bon, qu’on en oublie le reste. Le Roi instruisit en détail Monsieur le

  1. 12. « Elle aime fort… l’ouvrage et la promenade ; sa plus grande application est de plaire au Roi ; Sa Majesté passe plusieurs heures dans la chambre de cette princesse, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 13. « Madame la Dauphine. » (Ibidem.)
  3. 14. Mme de Maintenon.
  4. 15. « Ainsi que. » (Édition de 1754,)
  5. 16. Mme de Montespan, sœur de Vivonne.
  6. 17. « De n’aller plus la voir. » (Édition de 1754.)
  7. 18. « Ni pour l’esprit, ni pour l’humeur. » (Ibidem.)