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1680 que tant de complaisance ne vous ait point fait de mal. Vous étiez bien étonnée de sa mémoire, et de tous ces noms du temps passé, qui vous faisoient revoir[1] votre première jeunesse et vos premiers ballets.

M. de Pompone fut hier ici une partie du jour ; il regarda votre portrait avec attention, et se souvint si tendrement de votre beauté, de votre esprit, et de ces beaux soirs de Fresnes, qu’il pensa ne point finir sur cet article. Il me fit croire que les yeux me rougissoient d’un tel souvenir ; mais en vérité, ma belle, il étoit aussi touché que moi ; et je pense même qu’un retour sur sa fortune présente troubla pour un moment la tranquillité de son âme. Il a été saluer le Roi à ce retour[2] : c’est une étrange chose pour lui, et comme il a toujours été ou exilé, ou ambassadeur, ou ministre, il n’est point accoutumé à la presse des courtisans. Il y auroit quelque chose de plus doux[3] à ne point revoir ce pays-là ; mais une pension de vingt mille francs, et l’espérance de quelque abbaye l’attache[4] à ces sortes de devoirs.

Je donnai ma place dans le carrosse de Mme de Chaulnes à Mme de Vins ; cette duchesse me vouloit :

    agréable… La galère arriva au château d’If à deux heures après midi. Mme la comtesse de Grignan et toutes les dames qui l’accompagnoient entrèrent dans le salon qui avait été préparé pour les recevoir. Elles y trouvèrent une table à vingt couverts… À ce superbe repas succéda une représentation sans machines de l’opéra de Bellérophon… Dès que l’opéra fut achevé, les dames rentrèrent dans la galère et arrivèrent au port à la lueur de plus de deux mille lampions. »

  1. 8. « Qui vous rappeloient. » (Édition de 1754.)
  2. 9. La cour était revenue à Saint-Germain le 18 mars. Voyez la Gazette du 23.
  3. 10. « Et c’est une chose étrange pour lui, qui a toujours été… ou ministre ; il n’est point accoutumé à la presse des courtisans, et il trouveroit quelque chose de plus doux, etc. » (Édition de 1754.)
  4. 11. « L’attachent. » (Ibidem.)