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1680 neroient leur vie pour sauver la vôtre ; et c’est pour écrire des bagatelles, des réponses justes, que vous nous donnez la plus cruelle inquiétude qu’on puisse avoir. Pour moi, je vous déclare que vous me donnez une peine étrange quand vous m’écrivez plus d’une page. Votre dernière est trop longue, vous abusez de vous et de moi, et dès que vous êtes un peu bien, vous faites tout ce qu’il faut pour retomber. Retenez cette plume qui va si vite et si facilement : c’est un poignard ; je n’en veux plus ; j’ai horreur du mal qu’elle vous fait. Ce Coadjuteur m’a dit que si on vouloit vous couper le poing droit, vous seriez grasse. Ne vous amusez point à répondre sur des nouvelles ; ne vous profanez point ; je ne m’en souviens plus moi-même dès qu’elles sont parties.

Pardonnez la longueur de cet article : le Coadjuteur m’a troublée, et je suis frappée de l’effroyable douleur de perdre ce qu’on aime. Ayez pitié de moi.

Mercredi 20e mars.

Il est enfin mercredi. M. de la Rochefoucauld est toujours mort, et M. de Màrsillac toujours affligé, et si bien enfermé, qu’il ne semble pas qu’il songe à sortir de cette maison. La petite santé de Mme de la Fayette soutient mal une telle douleur[1] : elle en a la fièvre ; et il ne sera pas au pouvoir du temps de lui ôter l’ennui de cette privation ; sa vie est tournée d’une manière qu’elle le trouvera tous les jours à dire[2]. Vous devez me dire tout au moins quelque chose pour elle dans ce que vous m’écrivez ; je vous prie toujours que cela ne passe pas une page[3].

  1. 17. « Une pareille douleur. » (Édition de 1754.)
  2. 18. « Qu’elle trouvera tous les jours un tel ami à dire. » (Ibidem.)
  3. 19. Cette phrase est ainsi abrégée dans l’édition de 1737 : « Vous devez m’écrire tout au moins quelque chose pour elle ; » et dans celle de 1754 : « N’oubliez pas de m’écrire quelque chose pour elle. »