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connoîtroit mal les délices de l’amitié et les tendresses du cœur, si elle n’étoit aussi affligée qu’elle l’est. C’est chez elle que je fais ce paquet[1] à neuf heures du soir ; elle a lu votre petit billet ; car, malgré ses craintes, elle espère assez pour avoir été en état de jeter les yeux dessus. M. de La Rochefoucauld est toujours dans la même situation ; il a les jambes enflées : cela déplaît à l’Anglois ; mais il croit que son remède viendra à bout de tout : si cela est, j’admirerai la bonté des médecins de ne le pas tuer, assassiner, déchirer, massacrer ; car enfin les voilà perdus : c’est leur ôter la vie que de tirer la fièvre de leur domaine. Duchesne ne s’en soucie pas trop[2], mais les autres sont enragés.


1680

791. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME ET À MONSIEUR DE GRIGNAN.

À Paris, dimanche 17e mars.

Quoique cette lettre ne parte que mercredi, je ne puis m’empêcher de la commencer aujourd’hui, pour vous dire que M. de la Rochefoucauld est mort cette nuit. J’ai la tête si pleine de ce malheur, et de l’extrême affliction de notre pauvre amie[3], qu’il faut que je vous en parle. Hier samedi, le remède de l’Anglois avoit fait des merveilles ; toutes les espérances de vendredi, que je vous écrivois, étoient augmentées ; on chantoit victoire, la poitrine étoit dégagée, la tête libre, la fièvre moindre, des évacuations salutaires ; dans cet état, hier à six

  1. 9. « Je fais ce paquet chez elle. » (Édition de 1754.)
  2. 10. « Ne s’en soucie pas. » (Ibidem.)
  3. Lettre 791 (revue sur une ancienne copie). — 1. Mme de la Fayette.