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1680 sujet[1] : j’en ai de bons témoins. Je n’ai pas manqué même de lui faire voir le brillant de cette cour ; mais c’est cela qui augmente son envie de prendre ce temps pour se défaire. Songez que devant que de me parler, il commença par prier Gourville de lui trouver un marchand, et cacha si infiniment son envie, qu’il lui dit que si on lui proposoit cent mille francs, il vendroit cette charge. Jugez de l’usage que Gourville peut faire d’un tel discours. Mon fils me le vint conter le soir, pêle-mêle avec les nouvelles publiques, comme s’il ne m’eût rien dit. Vous pouvez penser ce que je devins : je fis un cri, et je crus rêver ; je dis enfin ce que je pensois d’une telle conduite sur une chose si importante, et dans laquelle, par bien des raisons, je dois faire le premier personnage. Ce que j’ai pu faire, c’est de rayer ce discours de sur les tablettes de Gourville, et de ménager ce torrent avec mes amies, d’une manière que nous n’y perdions au moins que toutes nos peines passées, et la bonne opinion qu’on avoit de son goût, mais non pas notre pauvre argent. Il a été persuadé qu’il ne se marieroit jamais, qu’il dépenseroit toujours ; il trouve ses terres en mauvais état ; je vois des discours de Tonquedecs en mille occasions : ce sont d’autres sortes de sottises que celles qui le rendoient autrefois ici digne des Petites-Maisons. Le bon abbé a prié d’excuser cette dernière année, où par mille affaires et par une maladie à la mort, il a été empêché d’aller en Bretagne. Enfin on a retouché toutes les affaires, et partages et comptes de tutelle, tout cela sans aigreur, mais avec desir de savoir

  1. 17. « Touchant ce desir immodéré de vendre sa charge. » (Éditions de 1737 et de 1754.) — Tout ce qui suit cette phrase jusqu’à celle-ci : « Tout ce que je veux sauver (p. 298), » n’est que dans notre manuscrit ; les deux éditions de Perrin (1737 et 1754) reprennent ainsi : « Mais enfin je veux songer pour la première fois, etc. »