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1680 un service de campagne de vermeil doré : la libéralité est excessive, et on répand comme on reçoit[1]. Vous saurez plus de nouvelles de la cour que personne : vous y avez présentement un résident qui doit vous informer de tout. Mon fils est à sa charge ; car ce n’est pas à la cour. Nous ménagerons ses intérêts du mieux que nous pourrons, parce que ce sont les miens. Pour lui, dans l’humeur où il est, n’être plus attaché comme le loup[2] est tout ce qu’il desire, et trois mille louis d’or dans sa cassette feroient son entière satisfaction ; mais je n’irai pas si vite : j’ai bien voulu m’embarquer et me presser les côtes pour faire sa fortune, et je ne le veux pas pour l’envoyer à Quimper. Je songe à mes affaires, et je crois que c’est le temps où je le puis faire honnêtement.

L’autre jour, en entrant dans un bal, un gentilhomme breton fut poignardé par deux hommes habillés en femmes : l’un le tenoit, l’autre lui perçoit le cœur à loisir. Le petit d’Harouys[3] y étoit ; il fut effrayé de voir cet homme, qu’il connoissoit fort, tout étendu, tout chaud, tout sanglant, tout habillé, tout mort ; il m’en frappa l’imagination. Le fils de Mme de Valençai[4], si malhon-

  1. 9. La fin de l’alinéa, à partir d’ici, manque dans le texte de 1737.
  2. 10. Voyez la fable de la Fontaine intitulée le Loup et le Chien, livre I, fable v.
  3. 11. Ce petit d’Harouys est probablement celui qui portait le nom de la Seilleraye, le fils du trésorier de Bretagne : voyez la lettre du 27 mai suivant, et la note 28 de la lettre du 27 décembre 1679, p. 158.
  4. 12. Henri-Dominique d’Estampes, marquis de Valençay, frère des petites Valençay (voyez tome II, p. 68, note 8), enseigne des gendarmes, avait épousé, en 1671, sa cousine Anne-Élisabeth d’Estampes Valençay, fille de Jean d’Estampes, conseiller d’État. Bussy écrit le 4 mars 1680 à Jeannin de Castille : « Valençay, après avoir perdu son procès contre Mme de Busancy, est mort en quatre jours de regret de s’être déshonoré pour rien. Voilà une charge à donner dans les gendarmes du Roi. »