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1680 voyoit qu’elle repoussoit le confesseur et le crucifix avec violence. Nous la vîmes passer à l’hôtel de Sully[1], Mme de Chaulnes et Mme de Sully, la Comtesse[2], et bien d’autres. A Notre-Dame, elle ne voulut jamais prononcer l’amende honorable, et à la Grève elle se défendit, autant qu’elle put, de sortir du tombereau : on l’en tira de force, on la mit sur le bûcher, assise et liée avec du fer ; on la couvrit de paille ; elle jura beaucoup ; elle repoussa la paille cinq ou six fois ; mais enfin le feu s’augmenta, et on l’a perdue de vue[3], et ses cendres sont en l’air présentement. Voilà la mort de Mme Voisin, célèbre par ses crimes et par son impiété. On croit qu’il y aura de grandes suites qui nous surprendront[4]. Un juge, à qui mon fils disoit l’autre jour que c’étoit une étrange chose que de la faire brûler à petit feu, lui dit : « Ah Monsieur il y a certains petits adoucissements à cause de la foiblesse du sexe. — Eh quoi Monsieur, on les étrangle ? — Non, mais on leur jette des bûches sur la tête ; les garçons du

  1. 18. Cet hôtel est situé dans la rue Saint-Antoine ; le jardin se prolonge jusqu’aux arcades de la place Royale. « Gallet, dit M. P. Paris (tome VII de Tallemant des Réaux, p. 405), en 1624, acheta deux maisons, rue Saint-Antoine, pour y construire un hôtel qu’il n’acheva pas ; sa fortune s’étant évanouie, l’hôtel fut vendu en 1627 à Jean Hahert, sieur du Mesnil, qui le céda en 1628 à M. Rolland de Neufbourg. La veuve de M. de Neufbourg et son beau-frère, M. du Vigean, l’achevèrent vers 1630, et le vendirent en 1634 au duc de Sully. Il appartenait en 1654 à M. Jacques Turgot de Saint-Clair, qui avait inutilement essayé de lui donner son nom. Il y mourut le 23 mai 1659. »
  2. 19. La comtesse de Fiesque.
  3. 20. « Et on la perdit de vue. » (Éditions de Rouen, 1726, de 1787 et de 1754.) — « Mais enfin le feu s’augmentant, elle fut perdue de vue. » (Édition de la Haye, 1726.)
  4. 21. Cette phrase, qui termine la lettre dans notre manuscrit et dans les impressions de 1726, manque dans les deux éditions de Perrin. Tout ce qui suit ne se trouve que dans l’impression de 1754, sauf le dernier alinéa, qui est aussi dans celle de 1737.