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1680 étranges[1]. Elle soupa le soir, et recommença, toute brisée qu’elle étoit, à faire la débauche avec scandale : on lui en fit honte[2], et on lui dit qu’elle feroit bien mieux de penser à Dieu, et de chanter un Ave maris stella, ou un Salve, que toutes ses chansons[3] : elle chanta l’un et l’autre en ridicule, elle mangea le soir et dormit[4]. Le mercredi se passa de même en confrontations, et débauches, et chansons : elle ne voulut point voir de confesseur. Enfin le jeudi, qui étoit hier, on ne voulut lui donner qu’un bouillon : elle en gronda, craignant de n’avoir pas la force de parler à ces Messieurs. Elle vint en carrosse de Vincennes à Paris ; elle étouffa[5] un peu, et fut embarrassée ; on la voulut faire confesser, point de nouvelles. A cinq heures on la lia ; et avec une torche à la main, elle parut dans le tombereau, habillée de blanc : c’est une sorte d’habit pour être brûlée ; elle étoit fort rouge, et l’on

  1. 13. Il semble que ces misérables aient cherché à se venger sur le genre humain de ce que la justice venait mettre un terme à leurs crimes. L’éditeur garderait le silence sur la plus étrange de leurs dénonciations, si la pièce originale n’était pas à la bibliothèque de l’Arsenal, pour justifier ce qu’il avance. La Voisin alla jusqu’à accuser Racine d’empoisonnement. Voici les termes dont elle se sert dans son interrogatoire, subi sur la sellette, le 17 février 1680. Elle déclare « qu’elle a connu la demoiselle du Parc comédienne, et l’a fréquentée pendant quatorze ans ; que sa belle-mère, nommée de Gordo, lui avoit dit que c’était Racine qui l’avoit empoisonnée. » Mlle du Parc était une fort bonne actrice de la troupe de Molière, à laquelle Racine confia, en 1667, le rôle d’Andromaque, où elle développa beaucoup de talent. Elle mourut le 11 décembre 1668. Voyez l’Histoire du Théâtre françois, par les frères Parfait, tome X, p. 370. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 14. « On lui fit honte. » (Édition de Rouen, 1726.)
  3. 15. Notre manuscrit donne ses chansons. Tous les textes imprimés portent ces chansons. — Le peuple chantait le Salve aux exécutions : voyez tome V, p. 141, note 9.
  4. 16. « …en ridicule ; elle dormit ensuite. (Édition de 1754.)
  5. 17. « Elle s’étonna. » (Éditions de la Haye et de Rouen, 1726.)