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1679 Grignan ne lui est pas bon, et je la trouve très-estimable de s’oublier elle-même pour vous suivre. Vous[1] en pouvez dire autant pour M. de Grignan, car assurément, dans ce dernier voyage, vous n’avez considéré uniquement que sa propre satisfaction, qu’il a même cachée longtemps sous ses manières polies : vous l’avez approfondie, vous l’avez observée et démêlée ; et dès que vous l’avez aperçue un peu plus d’un côté que de l’autre, vous lui avez sacrifié[2] votre santé, votre repos, votre vie, la tendresse et le repos[3] de votre mère, et enfin, vous avez parfaitement accompli le précepte de l’Évangile qui veut que l’on quitte tout pour son mari[4]. Il le mérite bien[5] ; mais il faut aussi que cela l’engage encore davantage à prendre soin de votre santé, que vous exposez si librement et si courageusement pour lui plaire. Pour moi, c’est mon unique pensée[6], quoique très-inutilement, à mon grand regret.

Je reçois des lettres de votre frère, qui ne me parlent que de son pigeon[7]. Le titre de nouveau venu dans la province le rend fort considérable, et le met dans toutes les affaires. M. de Coulanges a eu une grosse fièvre,

  1. 8. « N’en peut-on pas dire autant de vous à l’égard de M. de Grignan ? Vous n’avez considéré dans ce dernier voyage que sa propre satisfaction, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 9. « Vous y avez sacrifié, » {Ibidem.)
  3. 10. « La tranquillité. » (Ibidem.)
  4. 11. Voyez l’Évangile de saint Matthieu, chapitre xix, verset 5, et celui de saint Marc, chapitre x, verset 7. Dans ces deux évangiles, aussi bien que dans la Genèse (chapitre ii, verset 24), c’est proprement de l’homme qu’il est dit qu’il quittera son père et sa mère, pour s’attacher à son épouse.
  5. 12. Dans l’édition de 1754 : « Le vôtre le mérite bien ; » et deux lignes plus bas : « d’une santé. »
  6. 13. « J’en fais mon unique pensée. » (Édition de 1754.)
  7. 14— Mme de Grignan, toujours par allusion à la fable des deux Pigeons.