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le logement est très-beau, l’église des plus belles, la maison de campagne est une des plus agréables qu’il y ait en France. Ce diocèse touche à celui de Rouen, dont l’abbé Colbert est coadjuteur ; la belle maison de l’archevêque de Rouen, nommée Gaillon[1], que tout le monde connoît, est dansle diocèse d’Évreux. Cette place est charmante ; pour moi je l’aimerois mieux que Marseille : vous n’êtes que trop établis en Provence ; et ce qu’il y a de plus de revenu à Marseille, se mange bien par les voyages. En un mot, tous les amis des Grignans sont persuadés que rien n’étoit plus souhaitable pour notre abbé. Voici comment l’affaire s’est faite : il y a encore un vieux évêque d’Évreux[2], qui a plus de quatre-vingts ans ; c’étoit autrefois l’évêque du Puy, que vous avez vu sans doute à Sainte-Marie ; il a fait la vie de ma grand’mère. Ce bonhomme n’est plus en état d’agir : il a demandé au Roi que sa

    cent mille livres de rente, et les duchés d’Alhret et de Château-Thierry, avec la dignité de duc et pair et le rang nouveau des princes étrangers en France. Il eut ainsi les apanages de deux fils de France, et celui qu’avoit Henri IV avant d’être roi de France. »

  1. 3. Le château de Gaillon fut bâti par le cardinal Georges d’Amboise au commencement du seizième siècle. Il sert aujourd’hui de maison de détention. On voit aux Beaux-Arts, à Paris, un portique, et au Louvre une statue de saint Georges, provenant du château de Gaillon. — Gaillon est un chef-lieu de canton de l’Eure.
  2. 4. Henri Cauchon de Maupas du Tour, fils de Charles Cauchon, seigneur de Maupas, vicomte de Lery et de Verzenay, baron du Tour, et d’Anne de Gondi, parente du maréchal de Retz, fut évèque du Puy en 1641 et d’Évreux en 1661. Il est l’auteur des deux Vies de saint François de Sales (1657) et de la bienheureuse Marie de Chantal (1644). Le comte de Coligny, qui avait épousé la nièce de l’évêque d’Evreux, a raconté sa mort (arrivée en août 1680), dans les Petits mémoires que M. Monmerqué a publiés. Le jour de la Saint-Laurent, comme il revenait de dire sa messe,’ses chevaux furent, emportés et mirent le carrosse en pièces ; le prélat expira après une agonie de deux jours. — La Gazette du 24 février dit qu’il se démit volontairement de son évêché, parce qu’il ne crut pas pouvoir s’acquitter des devoirs d’un évèque à l’âge de quatre-vingts ans.