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1680 qu’on puisse parler plus positivement d’une chose où il y a tant d’expériences contraires. Ainsi, ma chère enfant, suivez votre goût, raisonnez avec votre bon médecin ; je lui demande une chose : pourquoi, si votre poitrine n’est point attaquée, vous avez toujours ce poids et cette chaleur au même côté ? pourquoi vous êtes si pénétrée du froid ? et pourquoi vous êtes si maigre, surtout à la poitrine ? Voilà ce qui m’a fait craindre qu’il n’y eût quelque chose de plus que l’intempérie de votre sang. Faites-moi répondre à cela par Mme du Janet ; car Montgobert aura d’autres choses à me dire, outre qu’elle est votre secrétaire. Vous me parlez de ma santé ; elle est parfaite : je n’ai point passé de décours sans prendre au moins deux pilules avec la petite eau. Je me suis accoutumée à prendre tous les matins un verre ou deux d’eau de lin ; avec ce remède, je n’aurai jamais de néphrétique ; c’est à cette eau merveilleuse que la France doit la conservation de M. Colbert. Je ne vous trompe point, je n’use point de styles différents avec vous : continuez donc à me parler sincèrement de votre état ; en vérité, tout le reste est bien loin de moi.

Mme de Bouillon s’est si bien vantée des réponses qu’elle a faites aux juges, qu’elle s’est attiré une bonne lettre de cachet pour aller à Nérac près des Pyrénées[1] : elle partit hier avec beaucoup de douleur. Il y a bien à méditer sur ce départ : si elle est innocente, elle perd infiniment de n’avoir pas le plaisir de triompher ; si elle est coupable, elle est heureuse d’éviter les confrontations infâmes et les convictions. Toute sa famille l’a conduite

  1. Lettre 782. — 1. Bussy écrit le 6 février 1680 : « Je vous ai mandé l’interrogatoire de Mme de Bouillon ; elle dit qu’elle le va faire imprimer et l’envoyer dans les pays étrangers : cela a fort fâché e Roi contre elle, et en effet cela donne un grand ridicule à la chambre de justice. »