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1680 tation que je fis l’autre jour avec le frère Ange. Il me semble qu’elle aura mieux pris son temps, que n auroit pu faire ma lettre, pour vous proposer les remèdes dont il s’agit. J’attendrai la réponse de Montgobert, c’est-à-dire la vôtre ; mais c’est en cas que vous ne vous accommodiez point du lait : il se peut que vous en soyez trop peu nourrie, ou que votre sang soit encore trop échauffé, pour pouvoir s’unir à la fraîcheur du lait ; car s’il vous étoit bon, vous seriez guérie. Le frère Ange comprit parfaitement l’effet de cette contrariété, qui fait comme de l’eau sur une pelle trop chaude. Voilà ce que disoit Fagon, et ce que vous avez expérimenté ; c’est donc à vous à juger si votre sang est toujours dans le même degré de chaleur, parce qu’alors les remèdes du frère Ange, qui sont doux, et fortifiants, et rafraîchissants, pourroient vous disposer au lait, et peut-être vous guérir, comme il a guéri le maréchal de Bellefonds, la reine de Pologne, et mille autres personnes. Ils sont aisés, agréables à prendre ; et si par malheur ils ne vous faisoient point de bien, ils ne peuvent jamais vous faire de mal. Du Chesne hait toujours le café ; le Frère n’en dit point de mal. Il est vrai que Mme de la Sablière prenoit du thé avec son lait ; elle me le disoit l’autre jour : c’étoit son goût ; car elle trouvoit le café aussi utile. Le médecin que vous estimez, et qui par là me parott le mériter, vous le conseille ; ah ! ma fille, que puis-je dire là-dessus ? et que sais-je ce que je dis ? on blâme quelquefois ce qui seroit bon, on choisit ce qui est mauvais, on marche en aveugle. J’ai sur le cœur que le café ne vous a point fait de bien dans le temps que vous en avez pris : est-ce qu’il faut avoir l’intention de le prendre comme un remède ? Caderousse s’en loue toujours ; le café engraisse l’un, il emmaigrit l’autre : voilà toutes les extravagances du monde. Je ne crois pas