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une distinction bien agréable et bien marquée : si Madame la Dauphine croit que tous les hommes et toutes les femmes aient autant d’esprit que cet échantillon, elle sera bien trompée. C’est, en vérité, un grand avantage que d’être du premier ordre. On en faisoit un premier rang l’autre jour chez Mme de la Fayette : vous y fûtes mise d’abord sans balancer. Corbinelli disoit obligeamment pour les autres qu’il ne comprenoit pas qu’on pût raisonner avec une autre femme qu’avec vous[1]. C’est une bonne provision, ma très-chère, que d’avoir un bel et bon esprit ; et c’en est une aussi fort mauvaise, comme vous dites, d’avoir son bon sens à la Bastille[2] : on seroit bien plus heureux d’être dans une loge des Petites-Maisons. Adieu : je vous quitte, sans cesser pourtant de penser à vous ; et avec une si grande tendresse, avec des sentiments si vifs, et avec le cœur si souvent serré de vos maux et de votre absence, que je ne sais[3] si une loge ne seroit pas plus commode aussi que ce que je sens[4].


1680

782. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 16e février.

Je suis toujours occupée avec raison de votre santé, ma chère enfant j’ai envoyé à Montgobert une consul-

  1. 31. « Avec une autre femme que vous. » (Édition de 1764.)
  2. 32. « Mais c’en est une fort mauvaise, comme vous dites, d’avoir son bon sens tout entier à la Bastille. » {Ibidem.)
  3. 33. « Et avec une si grande tendresse, que je ne sais… » (Édition de 1737.)
  4. 34. « Ne seroit point plus commode aussi pour moi. » (Édition de 1754.)34. « Ne seroit point plus commode aussi pour moi. » (Édition de 1754.)