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1680 droit en avoir les deux tiers : cette parole nous fit dresser les cheveux à la tête. Nous sommes ravis de son absence, afin qu’il ne gâte point ses affaires, en décriant lui-même sa marchandise. Je lui disois que c’étoit une chose bien malheureuse de ne donner le prix aux charges que selon son goût : le guidon excessif, parce qu’il étoit fou[1] ; la sous-lieutenance rien, parce qu’il en est dégoûté. Est-ce ainsi que l’on achète et que l’on vend, quand on est un peu raisonnable et habile, et qu’on ne veut pas s’égorger ? Nous[2] ne faisons point éclater tout ceci ; ma bonne, faites-en de même : ce bruit seroit préjudiciable à nos intérêts, et quand vous m’en écrirez, parlez comme de vous, et non pas comme m’étant plainte à vous. Je n’ai que trop marqué mes sentiments ; ç’a été une grande affaire, et me voilà résolue à souffrir ce que je ne puis empêcher, car il me l’a dit nettement, et je veux faire un marché qui puisse au moins nous être bon à nos affaires, étant si mauvais pour tout le reste, et ne pas perdre follement sur une si bonne marchandise.

Adieu, ma chère enfant ne vous fâchez point de tout ceci ; aimons la Providence : il est aisé, quand elle ne touche que ces sortes de choses ; je n’en aurai pas moins ma liberté, et je n’en serai pas moins à vous ; au contraire, au contraire.

Tout ce qui aura l’honneur de suivre Madame la Dauphine est à Sélestat ; Mme de Maintenon et Monsieur de Condom[3] se sont séparés de la troupe[4] ; ils sont allés à la rencontre de cette princesse, tant que terre les pourra porter ; ce sera peut-être trois ou quatre journées. Voilà

  1. 27. « Parce qu’il en étoit fou. » (Édition de 1754.)
  2. 28. Toute la fin de l’alinéa est seulement dans notre manuscrit.
  3. 29. Bossuet. Il était aumônier de la Dauphine.
  4. 30. Ils ne s’en étaient pas séparés. Voyez la lettre du 28 février suivant, p. 282.