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1680

781. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce mercredi 14e février.

Je vous trouve bien heureuse d’avoir Mme du Janet ; elle est venue tout exprès pour vous ; voilà une amitié qui me plaît. Je suis assurée qu’elle est occupée de votre santé, je vous prie que je l’embrasse. Vous prenez peu de part aux vanités du monde, et je vous vois toujours couchée et retirée, pendant que l’on danse et que l’on chante : vous vous reposez pour votre argent, comme je disois l’autre jour.

Montgobert m’a conté fort plaisamment les manœuvres de la belle Iris, et les jalousies de Monsieur le Comte ; je crois qu’il verra souvent la lune à gauche avec cette belle ; il s’est vengé cette fois par une très-jolie chanson. Montgobert m’a fait rire du respect qu’elle a eu pour M. de Grignan ; elle avoit mis qu’il vint à ce bal la gueule enfarinée ; tout d’un coup elle s’est reprise, elle a effacé la gueule, et a mis la bouche ; tellement que c’est la bouche enfarinée.

Cette petite gendarmerie est toute égarée[1]. Mon fils s’en va en Flandre, il n’ira point au-devant de Madame la Dauphine. On assemble l’armée[2] : on dit que c’est pour avoir Charlemont[3]. On ne sait rien de positif, sinon

  1. Lettre781 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. « Cette gendarmerie est tout égarée. » (Édition de 1754.)
  2. 2. « L’armée s’assemble. » (Ibidem.)
  3. 3. Suivant le traité de Nimègue, l’Espagne devait céder à la France Dinant ou Charlemont. Le roi d’Espagne, n’ayant pas obtenu la cesiion de Dinant de l’évêque de Liége et de son chapitre, remit au Roi la ville de Charlemont ; mais il y eut de longues difficultés pour déterminer les dépendances de cette ville et des places qui avaient été cédées de part et d’autre. On traitait aussi dans ce temps l’affaire des réunions, système d’envahissement qui commença d’inquiéter