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1680 L’affaire des poisons est tout aplatie ; on ne dit plus rien de nouveau. Le bruit est qu’il n’y aura point de sang répandu : vous ferez vos réflexions comme nous. L’abbé Colbert[1] est coadjuteur de Rouen. On parIe d’un voyage


    Devient plus fort chaque jour ;
    Est-ce assez d’un peu d’estime
    Pour le prix de tant d’amour ?

    Mercure

    Il sent l’ardeur qu’un tendre amour inspire,
    Avec plaisir il se laisse enflammer ;
    Mais un amant chargé d’un grand empire
    N’a pas toujours le temps de bien aimer.

    Cérès

    Quand de son cœur je devins souveraine,
    N’avoit-il pas le monde à gouverner ?
    Et ne trouvoit-il pas sans peine
    Du temps de reste à me donner ?
    Je l’ai vu sous mes lois, ce dieu si redoutable ;
    Je l’ai vu plein d’empressement.
    Ah ! qu’il seroit aimable,
    S’il aimoit constamment !
    Je l’ai vu sous mes (Note de l’édition de 1818.)

  1. 8. Jacques-Nicolas, second fils de Colbert, mort à Paris, le 10 décembre 1707, dans sa cinquante-troisième année. Il fut reçu à l’Académie française, par Racine, en 1678, et occupa le siége de Rouen depuis le 29 janvier 1691 jusqu’à sa mort, après avoir été, sous le nom d’archevêque de Carthage, coadjuteur de son prédécesseur, à partir du 2 février 1680 (voyez la Gazette du 10). « C’étoit, dit Saint-Simon (tome VI, p. 145), un prélat très-aimable, bien fait, de bonne compagnie, qui avoit toujours vécu en grand seigneur, et qui en avoit naturellement toutes les manières et les inclinations. Avec cela savant, très-appliqué à son diocèse, où il fut toujours respecté et encore plus aimé, et le plus judicieux et le plus heureux au choix des sujets pour le gouvernement. Doux, poli, accessible, obligeant, souvent en butte aux jésuites, par conséquent au Roi, sans s’en embarrasser et sans donner prise, mais ne passant rien. Il vivoit à Paris avec la meilleure compagnie, et de celle de son état la plus choisie ; souvent et longtemps dans son diocèse, où il vivoit de même, mais assidu au gouvernement, aux visites, aux fonctions. C’est lui qui a mis ce beau lieu de Gaillon, bâti par le fameux cardinal d’Amboise, au degré de beauté et de magnificence où il est parvenu, et où la meilleure compagnie de la cour l’alloit voir. »