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1679 m’écrit de Chagny[1] et m’en parle, en passant légèrement sur cette colique, et me parlant presque autant de vous que vous me parlez d’elle. Elle fait mention de Mme de Leuvilie[2], de M. de Senetz[3], et s’arrête fort sur l’endroit du cuisinier, qu’elle ne peut digérer : il faut songer à la consoler sur ce point.

Que faites-vous cet hiver ? Serez-vous encore dans votre château ? On dit que vous êtes grosse, Madame : quand on accouche aux îles, on accouche bien à Époisse. J’aime toujours à savoir les desseins de ceux que j’aime. Les miens sont de garder le bon abbé au coin de son feu tout l’hiver. Vous avez su comme il s’est tiré de la fièvre ; il a présentement un gros rhume qui m’inquiète.

Adieu, Monsieur : je vous remercie de votre grande lettre ; elle marque l’amitié que vous avez et pour celle de qui vous parlez, et pour celle à qui vous parlez. Écrivez-moi quand vous aurez vu M. de Caumartin[4]. Ne parlâtes-vous de rien avec ma fille[5] ?

    fait. Il n’avoit nul ordre dans ce qu’il disoit, mais il prêehoit avec un grand zèle, et il persuadoit parce qu’on ne pouvoit douter qu’il ne fût persuadé. Il avoit le visage mortifié, et il pleuroit presque toujours à la fin de ses sermons. Il redisoit plusieurs fois un même mot, et il disoit qu’il le faisoit exprès pour mieux imprimer les choses dans l’esprit de ses auditeurs. Enfin le fruit qu’il faisoit dans ses missions montroit bien qu’il étoit un grand maître en l’art de toucher les cœurs. Je l’entendis trois fois en deux jours que je fus à Semur. »

  1. 3. Chagny, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Chalon (Saône-et-Loire), à quatre lieues de Chalon.
  2. 4. Voyez tome II, p. 416, note 8, et tome III, p. 288, note 4.
  3. 5. Ce nom a été raturé et est à peu près illisible dans l’autographe. Senetz est une des formes auxquelles les traits de l’écriture paraissent le mieux se prêter. Dans la première impression, on a donné Seucès.
  4. 6. Beau-frère de Mme de Guitaut. Voyez tome I, p. S20, note 4.
  5. 7. Cette phrase, ainsi que la précédente, est écrite à la marge ; la suivante, sur le verso qui porte l’adresse.