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1680 entra comme une petite reine dans cette Chambre ; elle s’assit dans une chaise qu’on lui avoit préparée ; et au lieu de répondre à la première question, elle demanda qu’on écrivît ce qu’elle vouloit dire ; c’étoit : Qu’elle ne venoit là que par le respect qu’elle avoit pour l’ordre du Roi, et nullement pour la Chambre, qu’elle ne reconnoissoit point, et qu’elle ne prétendoit point déroger[1] au privilège des ducs. Elle ne dit pas un mot que cela ne fût écrit ; et puis elle ôta son gant, et fit voir une très-belle main ; elle répondit sincèrement jusqu’à son âge. « Connoissez-vous la Vigoureux[2] ? — Non. — Connoissez-vous la Voisin ? — Oui. — Pourquoi voulez-vous vous défaire de votre mari ? — Moi, m’en défaire[3] !

  1. 32. « Qu’elle ne reconnoissoit point, ne voulant point déroger. » (Édition de 1754.)
  2. 33. Marie Vandon, femme de Mathurin Vigoureux, tailleur pour les habits de femme, convaincue de poison, fut condamnée à être brûlée, par arrêt de la chambre de l’Arsenal ; elle fut exécutée. (Note de l’édition de 1818.)
  3. 34. Dans l’édition de 1754 : « Pourquoi vouliez-vous vous défaire de votre mari ? — Moi, me défaire ! » Le Sage accusait la duchesse de Bouillon d’avoir demandé la mort de son mari, afin d’épouser le duc de Vendôme. La Voisin ne la chargea pas ; elle dit, dans son interrogatoire sur la sellette, que la duchesse n’avoit été amenée chez elle que par la curiosité. Au resté Mme de Bouillon ne fut pas aussi triomphante devant ses juges qu’elle se plut ensuite à le répandre ; on ne lira pas sans intérêt un extrait textuel de l’interrogatoire qu’elle subit à la chambre de l’Arsenal, le lundi 29 janvier 1680. (Voyez les Mémoires historiques sur la Bastille. Londres (Paris), Buisson, 1789, tome I, p. 127 et suivantes.) Elle déclare « qu’il est bien vrai que ladite Voisin vint un jour chez elle répondante, et qu’elle lui dit que, sur la connoissance qu’elle avoit qu’elle étoit curieuse, elle dite Voisin venoit lui dire qu’elle avoit un très-habile homme chez elle, qui savoit faire des merveilles ; ce qu’elle répondante ayant dit, à quelques jours de là, à M. le duc de Vendôme, au marquis de Ruvigny, à l’abbé de Chaulieu et à la dame de Chaulieu, ils dirent qu’il falloit aller voir cet homme ; et un jour qu’elle répondante avoit dessein de s’aller promener, elle fit mettre