Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 affaire lui donne un plaisir qu’elle n’a pas ordinairement ; c’est d’entendre dire qu’elle est innocente[1]. La duchesse de Bouillon alla demander à la Voisin un peu de poison pour faire mourir un vieux mari qu’elle avoit qui la faisoit mourir d’ennui[2], et une invention pour épouser un jeune homme qui la menoit sans que personne le sût[3]. Ce jeune homme étoit M. de Vendôme, qui la menoit d’une main, et M. de Bouillon[4] de l’autre ; et de rire. Quand une Mancine[5] ne fait qu’une folie comme celle-là, c’est donné ; ces sorcières vous rendent cela sérieusement, et font horreur à toute l’Europe d’une bagatelle. Mme la comtesse de Soissons[6] demandoit si elle ne pour-

  1. 14. La maréchale de la Ferté, la comtesse d’Olonne, et Angélique de la Mothe-Houdancourt, duchesse de la Ferté, belle-fille de la maréchale, étaient au nombre des femmes les plus galantes de ce temps. On lit ce qui suit dans les Mélanges de l’abbé de Choisy, qui n’ont pas été publiés : « Le maréchal de la Ferté étoit à l’agonie ; sa femme, sa belle-fille, sa belle-sœur étoient autour de lui et crioient : « Monsieur le maréchal, Monsieur le maréchal, nous connoissez-vous bien ? Serrez-nous la main, dites-nous qui nous sommes. » Le bonhomme, fatigué de leurs criailleries, rappela ses esprits, et leur dit : « Vous êtes des… » On faisoit ce conte à Mme Cornuel, qui dit : « On peut juger que le maréchal avoit encore toute sa raison. » (Note de l’édition de 1818.) — « Sa vie débordée, dit Saint-Simon de la maréchale…, l’avoit exclue du commerce de presque toutes les femmes, dont fort peu, même décriées, l’osoient voir. » (Addition au Journal de Dangeau, tome XV, p. 100.)
  2. 15. « Un vieux et ennuyeux mari qu’elle avoit. » (Édition de 1754.)
  3. 16. « Un jeune homme qu’elle aimoit. » (Ibidem.)
  4. 17. Son mari.
  5. 18. Une Mancini. Notre manuscrit a l’étrange leçon machine. Mme de Sévigné avait probablement écrit Manchine, comme Malherbe écrit Conchin et Conchine pour Concini. Voyez le tome III de l’édition de M. Lalanne, p. 29 et note 5.
  6. 19. La Voisin déclare, dans l’interrogatoire qu’elle a subi sur la sellette le 17 février, deux jours avant sa condamnation, « qu’il est vrai que Mme la comtesse de Soissons est venue chez elle une fois