Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On interrogea hier Mmes de Bouillon et de Tingry[1] ; elles étoient accompagnées de leurs nobles familles. Vraiment, c’est pour des choses bien légères qu’on leur a fait cet affront : jusques ici voilà ce qui paroît.


1680

777. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 31e janvier.

Je ne puis plus voir sans chagrin de votre écriture : je sais le mal que cela vous fait, et quoique vous me mandiez les choses du monde les plus aimables et les plus tendres, je regrette d’avoir ce plaisir aux dépens de votre poitrine ; je vois bien que vous en êtes encore incommodée : voici une longue bouffée, et sans autre cause que votre mal même ; car vous dites que le temps est doux, vous ne vous fatiguez point du tout, vous écrivez moins qu’à l’ordinaire : d’où vient donc cette opiniâtreté ? Vous vous taisez là-dessus, et Montgobert a la cruauté d’avoir la plume à la main, et de ne m’en pas dire un mot. Bon Dieu ! qu’est-ce que tout le reste ? et quel intérêt puis-je prendre à toute la joie de votre ville d’Aix, quand je vois que vous êtes couchée à huit heures ? « Vous voulez donc, me direz-vous, que je veille et que je me fatigue ? » Non, ma très-chère : Dieu me garde d’avoir une volonté si dépravée ! mais vous n’étiez pas ici hors d’état de prendre quelque part à la société. J’ai vu enfin M. de Gordes ; il m’a dit bien sincèrement que dans le bateau vous étiez très-abattue et très-languissante, et qu’à Aix vous

  1. 12. Mme de Sévigné écrit Tingris.